samedi 5 avril 2014

Cent députés PS en colère réclament un « contrat de majorité »

Le Monde.fr 
Dans ce courrier « inédit », selon l'un de ses initiateurs (ici le député PS Jean-Marc Germain), les parlementaires souhaitent que l'Assemblée soit davantage entendue et prônent une « réorientation » de l'Europe ainsi qu'un « choc de demande ».

Ils considèrent que plus rien ne doit jamais être comme avant. Selon nos informations, près de cent députés socialistes – soit un tiers du groupe à l'Assemblée nationale – ont signé une lettre, que Le Monde et BFM TV se sont procurés, réclamant un « contrat de majorité » avec le nouveau gouvernement. La liste définitive des signataires devrait être connue ce week-end, avant le discours de politique générale de Manuel Valls et le vote de confiance à son gouvernement, mardi 8 avril.

Préparé depuis le début de la semaine à l'initiative de plusieurs sensibilités socialistes, ce courrier est « une démarche inédite qui répond à une situation politique sans précédent à gauche », explique au Monde le député de la Nièvre Christian Paul, un de ses initiateurs. La déroute du PS aux municipales est, selon M. Paul, « une des plus graves défaites de mi-mandat de la gauche au pouvoir », pire encore que les municipales de 1983 ou les législatives de 1993.
Ces derniers mois, plusieurs de ces députés avaient tenté d'alerter l'exécutif d'un rejet de sa politique par la population et d'un possible vote sanction aux municipales. En vain. « Quand on expliquait à l'Elysée ou au gouvernement que les Français ne comprenaient pas nos réformes, on nous répondait qu'il fallait simplement mieux les expliquer », s'agace un signataire. Face à une telle déroute, ces élus estiment désormais que « le temps du Parlement est venu ».
« ON VEUT TRAVAILLER MAIN DANS LA MAIN »
Ces cent députés en colère appartiennent à plusieurs satellites de la planètesocialiste : on y retrouve notamment des membres des « reconstructeurs », sensibilité composée de fabiusiens et d'anciens strauss-kahniens, des proches de Martine Aubry, de Benoît Hamon ou d'Arnaud Montebourg, ainsi que l'aile gauche traditionnelle du PS.
Tous exigent que l'Assemblée soit désormais pleinement associée à l'action du gouvernement et posent « les conditions de la confiance »« Ce n'est plus le gouvernement décide et le Parlement exécute. C'est le Parlement qui doit pleinement voter la loi. On veut travailler main dans la main », a expliqué le député (Hauts-de-Seine) signataire Jean-Marc Germain, vendredi 4 avril sur France Info.
Ce coup de force ne va pas trop loin pour autant. « Cette lettre n'est ni une rébellion, ni une dissidence, mais l'expression de ce qu'attendent de nous les Français », précise M. Paul. Pas question, par exemple, de refuser la confiance au gouvernement ce mardi. D'autant que le premier ministre Manuel Valls a affirmé, dès sa prise de fonction, vouloir un « véritable contrat avec les parlementaires de la majorité ».
« Ne pas voter la confiance serait comme nous autodissoudre », explique un signataire. En revanche, l'examen des prochains textes, à commencer par le projet de loi de finances, devra prendre en compte les aspirations des députés.« Si le gouvernement rejette systématiquement nos amendements comme cela a été trop souvent le cas ces deux dernières années, il manquera plusieurs voix le jour du vote », prévient un parlementaire.
« RÉORIENTER » L'EUROPE
Parmi les conditions de ce « contrat de majorité », figure la « réorientation » de l'Europe par « un plan de relance contre la déflation » et « une révision des trajectoires budgétaires insoutenables et ennemies de la croissance et de l'emploi ». Les députés considèrent que la trajectoire budgétaire européenne n'est pas « tabou » et qu'« il y a urgence à [la] rediscuter ». Selon eux, l'Union européenne doit procéder à des « investissements massifs » dans « les énergies renouvelables, les transports, le numérique, la construction de logements, la recherche » qui sont le seul « échappatoire au déclin ».
Ils demandent également de « concentrer les moyens publics sur la création réelle d'emplois ». A cet égard, le pacte de responsabilité et ses contreparties « les plus coûteuses et sans condition » doivent se voir « substituer un pacte national d'investissement négocié jusqu'au niveau des entreprises » et non plus des seules branches.
Autre exigence : la mise en place d'une politique de demande en faveur du pouvoird'achat. La politique de l'offre enclenchée au début de l'année par le chef de l'Etat ne suffit pas, estiment les signataires. Il faut l'accompagner d'une « réforme fiscale » en faveur des bas salaires et des retraites les plus modestes, incluant une CSG progressive.
Enfin, ce contrat veut « amplifier » plusieurs « engagements de 2012 », comme la régulation des activités financières et bancaires qu'il faut « muscler », la transition écologique à « rendre populaire » et la « transformation de l'Etat et des collectivités locales » qui doit se traduire par des « économies efficaces » et non par des « régressions sociales ».