jeudi 16 octobre 2014



Allocations familiales : une mesure "contraire à l'esprit de la Sécu"


La volonté des députés PS de moduler les allocations familiales est largement critiquée par le numéro un de la CGT. Manuel Valls, lui, évoque "une mesure de justice".

Allocations familiales. Photo d'illustration. (ROMUALD MEIGNEUX/SIPA)Allocations familiales. Photo d'illustration. (ROMUALD MEIGNEUX/SIPA)



Manuel Valls s'est félicité de la modulation des allocations familiales, "une mesure de justice", a annoncé Matignon jeudi 15 octobre au soir à l'AFP.
Le groupe PS à l'Assemblée a décidé de déposer des amendements en ce sens au projet de budget, examiné la semaine prochaine dans l'hémicycle, a indiqué à l'AFP son président Bruno Le Roux. En fin de soirée, la ministre des Affaire sociales Marisol Touraine a affirmé que le gouvernement était d'accord sur le principe de cette modulation.

"13% des familles" concernées

"Le Premier ministre se félicite [de cette mesure,NDLR], à la fois pour la méthode, car c'est comme cela que l'on veut travailler avec le groupe socialiste et à la fois sur le fond, parce que cette mesure de modulation est une mesure de justice qui va concerner 13% des familles qui perçoivent des allocations familiales", a-t-on souligné de même source.
Cela signifie par conséquent, a-t-on poursuivi, que "plus de 87% [des familles,NDLR] n'auront aucun effet pour elles liées à cette modulation".
"Ce n'est pas une mise sous conditions de ressources, a-t-on insisté à Matignon. C'est une modulation selon le revenu, c'est-à-dire que tous les ménages continuent de percevoir des allocations familiales, mais pour les ménages les plus aisés, le montant en est diminué".

"Contraire à l'esprit même de la sécurité sociale"

Le numéro un de la CGT, Thierry Lepaon, a fustigé jeudi 15 octobre une modulation des allocations familiales en fonction des revenus, estimant que cette mesure était "contraire à l'esprit même de la sécurité sociale".
"C'est une remise en cause sans précédent de ce qu'on appelle l'universalité", a ajouté Thierry Lepaon sur BFM Business, après que les députés socialistes eurent affirmé avoir obtenu l'aval du gouvernement pour une telle modulation à partir de 2015.
"Il est indécent d'opposer à nouveau les Français les Françaises entre eux", a affirmé le secrétaire général de la CGT. "Et tout ça pourquoi? Parce qu'on n'a pas le courage dans ce pays de faire une réforme fiscale et donc on joue sur les prestations sociales", a estimé Thierry  Lepaon.
Il a également critiqué la méthode employée : "On jette en pâture" cette annonce "avant même que les députés aient pu légiférer".

"La famille n'a pas besoin de ça en ce moment"

Le porte-parole des évêques de France, Mgr Bernard Podvin, a réagi jeudi à l'annonce d'une modulation des allocations familiales à partir du 1er juillet 2015 en soulignant que "la famille n'a pas besoin de ça en ce moment".
"Je pense qu'on ne prend pas les choses par le bon bout. Vouloir la justice sociale, oui, bien sûr. L'argument de justice sociale, qui ne le défendrait ?", a déclaré pour sa part Mgr Bernard Podvin sur Radio Classique.
Mais "la famille n'a pas besoin de ça en ce moment. Elle a besoin d'autres mesures, d'autres soutiens", a enchaîné le porte-parole de la Conférence des évêques de France (CEF), plaidant pour "un soutien à notre démographie, qui est enviable au niveau mondial".
"Je regrette qu'on le prenne par ce bout parce que je trouve qu'on risque à nouveau de diviser sur la famille, sans même d'ailleurs que la mesure ne produise une efficacité réelle", a ajouté Mgr Bernard  Podvin.

Pour les frondeurs PS, pas de "victoire politique"

Deux députés socialistes frondeurs, Christian Paul et Fanélie Carrey-Conte, ont récusé jeudi soir l'idée qu'il y ait eu "victoire politique" du groupe PS face à l'exécutif, après l'annonce d'une modulation des allocations familiales.
Cette annonce "pourra apparaître louable à celles et ceux qui ressentaient les injustices fortes que contenait le projet de réduire les prestations pour les familles. Cette recherche de la solution la moins injuste, qui, il est vrai, permet de ne pas toucher à la prime de naissance ou à la majoration à 14 ans, sera même présentée comme une avancée", ont-ils dit dans un billet publié sur leurs blogs respectifs.
"Mais pouvons-nous convertir en victoire politique une décision qui vient après deux semaines qui ont installé sans retour dans le pays l'idée que les prestations familiales allaient baisser? Peut-on oublier que cette 'victoire' vise essentiellement à effacer une faute, l'augmentation des économies consacrées à la branche famille (700 millions d'euros en 2015)?", ont interrogé ces membres du collectif Vive la Gauche.
Outre une réforme gouvernementale de la politique familiale "dans l'urgence et l'improvisation, et à partir de la seule porte d'entrée des économies", le député de la Nièvre et l'élue de Paris ont aussi contesté sur le fond le choix de la modulation des allocations.
"Certes, on va accroître le caractère redistributif, mais on va fixer des effets de seuil avec des familles de situations proches, qui ne percevront pas le même montant d'allocations familiales. Plus grave, le risque est réel de porter atteinte à l'adhésion de tous à l'État social, c'est une brèche ouverte pour l'affaiblissement des protections collectives, en premier lieu la Sécurité sociale", ont déclaré ces anciens membres de la commission des Affaires sociales, dont ils ont été évincés.
Ils se sont aussi redemandé "pourquoi serait-il inévitable de demander des efforts accrus aux Français au titre de la politique familiale?" "D'autres choix sont possibles, en réorientant par exemple les aides aux entreprises", disent Christian Paul et Fanélie Carrey-Conte.

Sur le web : 20H Politique: Les allocations familiales seront modulées en 2015 – 16/10