lundi 27 octobre 2014

Benoît Hamon attaque François Hollande : il fait le jeu des Soral, Dieudonné et Zemmour

 

LE PLUS. Benoît Hamon hausse le ton. L'ancien ministre de l'Éducation nationale estime que l'actuelle politique du gouvernement "menace la République" et prépare le succès de Marine Le Pen en 2017. Une accusation épouvantable, estime notre chroniqueur Bruno Roger-Petit, à l'heure où Zemmour triomphe en librairie et où Soral et Dieudonné vont fonder leur parti.

Édité par Sébastien Billard  Auteur parrainé par Aude Baron
Benoit Hamon au ministère de l'Éducation nationale, le 27 août 2014 (T. SAMSON/AFP).

Un électeur socialiste "normal" doit-il être "épouvanté" par les propos de Benoît Hamon prononcés contre François Hollande ? Ce mercredi, sur RFI, l'ex-ministre de l'Éducation nationale a en effet déclaré que la politique menée par François Hollande "menace la République".

Et le député des Yvelines d'ajouter que François Hollande "réduit les capacités d'intervention de la puissance publique", que "la menace de la République, c'est la préparation tout droit, comme on s'y prépare pour 2017, d'un immense désastre démocratique", et que tout cela préparait "non seulement l'arrivée au second tour de la présidentielle de Marine Le Pen sans coup férir, mais en plus la menace que demain, elle dirige le pays".

Donc François Hollande "menace la République". Bigre. Il était temps qu'on nous le dise. Surtout après avoir été son ministre deux ans et demi durant.

Celui qui menace la République, c'est Soral

Le télescopage entre la déclaration du jour et les événements des derniers jours est cruel pour Benoît Hamon.

La veille, on a appris que Dieudonné et son manipulateur en chef, Alain Soral, allaient fonder leur propre parti politique. Un parti d'extrême droite qui, s'il paraît promis à un avenir électoral incertain, devrait continuer à diffuser dans le corps social français cet antisémitisme codé, sous le radar du code pénal, qui est la marque de fabrique du tandem, à l'influence grandissante.

Soral, c'est celui qui agite depuis plusieurs années sa marionnette Dieudonné, mais c'est aussi le fédérateur idéologique, le ciment politique susceptible de rassembler ces forces hostiles à la République, que l'on a vu défiler dans Paris, début janvier, lors de la manifestation "Jour de colère".

Soral, c'est celui que le maire de Béziers, soutenu et élu par les forces du Front national, Robert Ménard, n'exclut pas d'inviter à venir discourir dans sa ville, désormais asile politique, comme il existe déjà un asile télévisuel des cerveaux malades de la société médiatique. 

Alain Soral lors de la manifestation "Jour de colère" à Paris, le 26 janvier 2014 (A. MEUNIER/SIPA).

Soral, c'est celui que cite le polémiste Eric Zemmour dans ses débats du vendredi sur i>Télé, n'hésitant plus à puiser ses sources "autorisées" sur le site de l’histrion, une convergence qui paraît de moins en moins surprenante pour qui lit "Le suicide français", dont bien des analyses recoupent en tous points celle d'Alain Soral (notamment sur la dévirilisation de la jeunesse française par le "lobby LGBT").

Soral, c'est celui qui se rend à une audience du Tribunal correctionnel de Paris, où il est poursuivi pour incitation à la haine raciale, vêtu ostensiblement d'un t-shirt orné de la mention "goy" et qui bien évidemment plaide la blague :

"C'est du second degré. Mes vidéos font rire les mêmes personnes qui vont au spectacle de Dieudonné. Elles sont beaucoup plus nombreuses que celles qui vont voir Bernard Henry-Levy au théâtre."

Soral, c'est celui qui s'affiche à la fois héritier du royalisme et du communisme, s'affichant tout à la fois héritier de la Fleur de lys des Capétiens et de la faucille et du marteau communiste. Cette synthèse est improbable et ridicule, dénuée de sens et de vérité, mais on reconnait Soral à ce qu'il ose tout (voir ici).

Soral, c'est celui qui entend fonder son parti politique pour peser sur le FN, l'empêcher de se montrer favorable à Israël, peser sur son orientation politique. Quand on voit que le petit site internet FdeSouche, à la force médiatique bien inférieure à celle de Soral, a réussi à faire plier le sénateur-maire lépéniste David Rachline, qui avait oublié une promesse de campagne s'agissant de la construction d'une mosquée à Fréjus, cette intimidation n'est pas à prendre à la légère.

Le symbole d'une immaturité politique

Dieudonné, Soral, Zemmour, Ménard (et quelques autres, vus très souvent à la télé), en ce qu'ils incitent de manière directe ou indirecte au vote FN, sont aujourd'hui les vrais menaces qui pèsent sur la République. Ce sont eux qui participent à l'inspiration et à la construction du vote Le Pen 2017 et rien qu'eux.

C'est leur influence, souvent soutenue par des médias télévisuels complaisants, qui menace la République. Certainement pas François Hollande, à qui, en vérité, l'on peut reprocher mille choses, mais pas ça. En responsabilité, comme on dit souvent au PS, comment, dans un tel contexte, Benoît Hamon peut-il considérer que la conclusion politique du moment, c'est de décréter que seul François Hollande "menace la République" ?

Cette sortie est à ce point décalée qu'elle nourrira les doutes persistants sur la maturité politique et le rapport au réel de certains représentants de cette génération politique née dans les années 1960/70. Hamon, Montebourg, Filippetti, Batho étaient des ministres vedettes du président Hollande (il y a un mois, un an) et les voilà qui aujourd'hui jouent à celui qui repoussera le plus loin les limites de la provocation.

L'une balance les SMS du président et du Premier ministre, en jouant du suspense, "j'en ai d'autres, nanananère". L'autre, deux mois après son départ du gouvernement, décide que le président "menace la République". À quand celui qui viendra dire "Hollande peut à tout moment déclencher une guerre nucléaire" ?

On disait la veille, au sujet de Gérard Filoche et ses propos hallucinants sur la mort du PDG de Total, qu'il était emblématique de la génération politique "3615 J'existe". Dès le lendemain, Benoît Hamon vient donner encore plus de force à cette constatation tragique. On notera que Filoche est membre du courant Hamon au sein du PS. Pas de hasard.

Le déni du monde comme il va

On entend bien ce que plaide Benoît Hamon (et Montebourg, Filippetti, Filoche et d'autres avec lui). Cette récurrence de l'histoire des socialistes. La tentation du repli national. Le refus de la mondialisation. Le refus de l'Europe. Le mépris de l'Allemagne. La tentation souverainiste risquant de s'avilir en nationalisme hostile.

La volonté de fermer la France au monde au nom de l’intérêt des Français les plus touchés par la mondialisation ou les conséquences de l'application des traités européens. Le déni du monde comme il va. Faire du Todd chez Taddeï.

En son temps, en 1933, Léon Blum fut aussi mis en accusation par un courant porteur de cette essence particulière du socialisme français (ceteris paribus, évidemment, les termes du débat de l'époque sur le rapport au pouvoir étant inversés).

La référence à ce débat s'impose en ce qu'elle opposait déjà deux visions du combat contre les forces d'extrême droite montantes. Les contestataires (les "néos") reprochaient à Blum de camper sur une vision internationaliste du socialisme tandis qu'ils prônaient de participer au gouvernement Daladier, au nom du fait national. À ceux là, Blum lança une apostrophe célèbre : "Je suis épouvanté".

Il faut lire et relire ce discours de Blum, confronté à des socialistes qui, à l'exemple de Benoît Hamon, estimaient que le gardien de la vieille maison faisait le lit d'un possible avènement fasciste en France et plaidaient pour un socialisme recentré sur la nation. Il faut le lire parce qu'en (re)découvrant ses lignes, on a bien envie de les soumettre à la réflexion de Benoît Hamon, qui préfère cibler Hollande plutôt que Le Pen, Zemmour, Soral, Dieudonné ou Ménard.

Oui, il faut lire Blum :

"L'idée du péril fasciste occupe aujourd'hui les esprits. Rien n'est plus naturel. J'estime pour ma part qu'en ce qui concerne la France, on en parle trop et même qu'on y pense trop. Mais ce que je redoutais, c'est qu'en voulant barrer la route du pouvoir au fascisme, on ne se jetât plus ou moins consciemment à sa suite (...) Je redoutais qu'on transformât ainsi le socialisme, parti de classe, en un parti de déclassés. Je redoutais qu'en procédant comme le fascisme, par un rassemblement de masses confuses, en faisant appel, comme lui, à toutes les catégories d'impatiences, de souffrance, d'avidité, on ne noyât l'action du PS sous ce flot d'aventuriers – aventuriers bien souvent par misère et par désespérance – qui a porté tour à tour toutes les dictatures de l'histoire."

On peut comprendre, dès lors, que Stéphane Le Foll, porte parole du gouvernement, invite Benoît Hamon à quitter le PS.  Quand on relit Blum le prophétique, on comprend que Benoît Hamon, c'est un socialisme qui commence avec Chevènement et finit avec Dupont-Aignan. À deux pas de Le Pen et de Zemmour. Pas loin de Soral.

Oui, il y a de quoi dire : "Je suis épouvanté".




Sur le web : Le Foll, sur Hamon: "Qu'il quitte au moins le Parti socialiste"
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