Zizi sexuel, le retour !
L'emblématique expo du « Zizi sexuel » présentée par Titeuf, le très populaire personnage de Zep, revient à La Cité des Sciences de la Villette* où elle a vu le jour en 2007, expo dont je suis personnellement membre du comité scientifique. Formidable succès de cette exposition novatrice en matière d'éducation à la sexualité qui a ensuite fait un tour de France et de l'Europe (Belgique, Suisse, Portugal… ) et connu plus de 500 000 visiteurs. Pendant sa longue présence à Paris en 2007 et 2008, plus de 2000 jeunes visiteurs par jour ont ainsi pu découvrir avec tranquillité, et en famille, car accompagnés de leurs parents, les mystères de la sexualité et de l'amour, principales sources d'interrogation des ados et pré-ados qu'ils sont, et aussi parfois d'inquiétude lorsque l'on ne répond pas à leurs questions.
La phobie du zizi
Une nouvelle maladie sévit en France depuis quelques années, encouragée par le succès réactionnaire de mouvements tels que La Manif pour tous ou Le Printemps français, prônant la haine du sexe et dénonçant le moindre signal dans ce domaine comme subversif et pervers, délétère à l'équilibre des enfants. Cette défiance vis à vis du sexe est une attitude traditionnelle de l'occident chrétien qui, avec Saint Augustin, s'est radicalement séparé du désir de la chair mais qui, malgré des siècles de répression et la récente libération des mœurs de la fin du XXe, continue à semer ses graines d'ignorance, de rancœur et de vengeance. Depuis huit jours (14 octobre) où l'expo du zizi sexuel a repris sa place à La Villette, les « phobiques du sexe » ont tenté de se faire entendre. Ce furent tout d'abord quelque individus se réclamant du mouvement Civitas qui tentèrent d'intervenir lors de l'inauguration, puis de nombreux mails injurieux adressés à la Cité des Sciences, enfin la pétition de l'association SOS éducation, paraphée par 38 000 signataires qui tourne en boucle sur la toile. Ses arguments caricaturent les thèmes de l'expo : « les enfants sont invités à appuyer sur une pédale pour provoquer l'érection, puis l'éjaculation d'un mannequin ; on les fait se coucher sur le lit d'une chambre conjugale pour visionner des scènes d'amour ; dans une salle où il est interdit aux adultes d'entrer, on leur fait mettre des écouteurs pour entendre des propos sur la masturbation et l'homosexualité, que je vous laisse imaginer ».
Un désert éducationnel
On ne peut que déplorer la faiblesse, et même parfois l'absence, d'éducation à la sexualité en France aujourd'hui. En réalité, la loi du 4 juillet 2001** a complété le code de l'éducation par l'instauration « d'au moins trois séances annuelles et par groupes d'âge homogène » d'information d'éducation à la sexualité (article L. 312-16) Cette « très bonne intention » d'une information sur la sexualité tout au cours de la scolarité est une excellente idée. Malheureusement elle est difficilement applicable dans la mesure d'une absence de formation spécifique des enseignants (SVT) et du domaine particulièrement sensible qui est celui de la sexualité. Le recours à des associations compétentes, comme le Planning familial, est une solution souvent envisagée, mais dans la grande majorité des cas, il faut en venir à l'évidence que cette information/éducation n'est pas faite, qu'il n'existe pas en France aujourd'hui de véritable éducation à la sexualité. Historiquement, de nombreuses tentatives ont été menées dans l'après deuxième guerre avec notamment l'École des parents, créée en 1945. On prend ensuite conscience que les textes officiels instaurant quelques heures d'information sexuelle l'ont toujours été en réaction à de grands événements suivant l'évolution des mœurs et de la société. L'autorisation, en France, de la première pilule contraceptive en 1960, dont les décrets d'application ne seront publiées qu'en 1974 (!) puis, un an plus tard, la loi Veil qui dépénalisait l'avortement montra l'urgence d'une éducation sexuelle en milieu scolaire. Celle-ci fut initiée par la loi Edgard Faure (1968) qui prévoyait un enseignement sexuel à tous les niveaux, mais ne fut suivi que d'une circulaire concernant seulement les classes préparatoires aux baccalauréats de techniciens. On dût attendre cinq ans, juillet 1973, la première circulaire (loi Fontanet) portant sur l'information et l'éducation sexuelle : accès progressif d'une connaissance objective dans le domaine de la sexualité, circulaire qui fut peu suivie d'effet car son contenu était facultatif. Elle sera complétée en 1976 par un arrêté, faisant suite à la loi Veil, instaurant quatre heures par an d'information sexuelle en classe de troisième, qui seront rarement effectuées. Dans les suites de l'épidémie du sida, une nouvelle circulaire (16 novembre 1994) proposa qu'un module de 20 heures soit mis en place en classes de quatrième et troisième dans certaines académies. On n'en verra que peu d'effet d'autant que cette dernière circulaire fut annulée en conseil d'État, en 1998, sur plainte des associations familiales catholiques. On peut s'interroger sur le danger envers les enfants que semblent faire courir quelques misérables heures d'éducation à la sexualité pour quelques esprits naïfs animés de la « phobie du zizi ».
Ailleurs en Europe
Cette position régressive de quelques-uns, très minoritaires, ne semble pas se manifester ailleurs en Europe où l'expo « Zizi sexuel » a circulé pendant plusieurs années, notamment en Belgique, en Suisse, au Portugal… où elle a été particulièrement appréciée et visitée sans susciter la moindre réaction. Il est vrai que l'enseignement et la pédagogie sexuelle y sont largement répandus comme ailleurs en Europe. En Grande-Bretagne, l'éducation sexuelle est intégrée à l'enseignement général et associe différentes disciplines concernant notamment la formation de la personnalité ; en Suède et dans les pays de l'Europe du Nord l'information et l'éducation sexuelles ont été très tôt enseignées, dès le début du XXe siècle ; et au-delà de l'Europe, au Québec, qui a été novateur en matière d'éducation à la sexualité avec des objectifs pédagogiques d'ordre psychosocial, c'est-à-dire dépassant le seul niveau de l'information. Deux guides d'éducation à la sexualité, concernant le primaire et le secondaire, sont d'ailleurs édités par le ministère de l'éducation du Québec, à disposition des enseignants et des intervenants extérieurs à l'école.
Cette position régressive de quelques-uns, très minoritaires, ne semble pas se manifester ailleurs en Europe où l'expo « Zizi sexuel » a circulé pendant plusieurs années, notamment en Belgique, en Suisse, au Portugal… où elle a été particulièrement appréciée et visitée sans susciter la moindre réaction. Il est vrai que l'enseignement et la pédagogie sexuelle y sont largement répandus comme ailleurs en Europe. En Grande-Bretagne, l'éducation sexuelle est intégrée à l'enseignement général et associe différentes disciplines concernant notamment la formation de la personnalité ; en Suède et dans les pays de l'Europe du Nord l'information et l'éducation sexuelles ont été très tôt enseignées, dès le début du XXe siècle ; et au-delà de l'Europe, au Québec, qui a été novateur en matière d'éducation à la sexualité avec des objectifs pédagogiques d'ordre psychosocial, c'est-à-dire dépassant le seul niveau de l'information. Deux guides d'éducation à la sexualité, concernant le primaire et le secondaire, sont d'ailleurs édités par le ministère de l'éducation du Québec, à disposition des enseignants et des intervenants extérieurs à l'école.
L'argument de nature
L'argument « anti sexe » de toutes les confessions monothéistes est un argument de nature : « Puisque la sexualité est naturelle, il n'y a aucune nécessité d'une éducation à la sexualité ». Les militants de Civitas affirment ainsi défendre « le droit naturel » auquel, précisent-t-il, « toute personne sensée et douée d’esprit d’analyse devrait adhérer ». Ce pseudo « argument du naturel » clôt tout débat sur le sujet. C'est en réalité une fin de non discuter. Or, les connaissances en matière de sexualité nous ont appris, tout au contraire, que la sexualité n'est pas si naturelle que ça ! Elle est une part complexe de la construction de l'individu, contribuant à son identité et nécessitant un apprentissage par soi-même, par l'environnement familial, par la société. En cela elle nécessite « éducation », et on sait combien les familles ne sont pas suffisantes pour cela. Je désire reprendre ici le juste argument de Claudel Halmos : « L'information sexuelle des enfants, ce n'est pas une question d'idéologie, d'opinion, c'est une question qui concerne leur construction (…) C'est comme une boussole : si on ne leur donne pas (d'information) toutes les errances sont possibles. Les errances viennent de la non-information et jamais de l'information. » Libres cependant à ceux qui n'en veulent pas de ne pas en empêcher les autres.
Ce triste baroud d'honneur réactionnaire apparaît cependant comme une goutte d'eau dans l'immense plébiscite que rencontre cette expo, « Zizi sexuel le retour », à laquelle il faut convier le plus grand nombre de nos ados et pré-ados.
* Zizi sexuel, l'expo, Le retour ! Au parc des expositions de la Cité des Sciences de la Villette (Paris) du 14 octobre 2014 au 2 août 2015.
** Article 22 de la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.
** Article 22 de la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.
http://sexologie.blog.lemonde.fr/2014/10/22/la-phobie-du-zizi/