Le tribunal administratif ordonne l'hébergement de cinq familles Roms dont les caravanes ont été détruites par les orages.
Belote et rebelote. Pour la deuxième fois en cinq jours, le tribunal administratif de Montpellier a donné tort hier à la préfecture de l'Hérault et à la mairie de Montpellier qui refusent de trouver un toit à plusieurs familles Roms de Montpellier, à la rue depuis que leurs caravanes ont été détruites par les inondations. "Il est enjoint au préfet de l'Hérault de prendre toute mesure pour assurer sans délai et, si possible, dès la nuit du 22 au 23 octobre, soit par ses propres services, soit par les soins d'une autre collectivité qui pourrait être la Ville de Montpellier ou le Département de l'Hérault, un logement décent à la famille "X" jusqu'à ce qu'une solution d'hébergement pérenne ait pu être trouvée".
Une ordonnance rendue hier en fin d'après-midi mais qui ne faisait aucun doute depuis l'audience du matin. Il est 10h dans la salle du Tribunal administratif de Montpellier. La scène semble surréaliste. "J'ai l'impression que la mairie a du mal à lire les ordonnances du tribunal", rumine le président qui s'agace d'avoir à se prononcer sur cinq affaires* similaires à celle jugée le 17 octobre. Ce jour là, ce même juge administratif, saisi de deux référés "liberté" de la Ligue des Droits de l'Homme (LDH), avait rejeté la requête de la Ville demandant à être mise "hors de cause" et ordonné à la préfecture de l'Hérault de faire reloger en urgence une famille Rom d'Italie sinistrée dans les inondations. Chose qui avait été faite dès le soir même dans un hôtel social de Montpellier.
Cinq jours plus tard, le juge ne cache pas son agacement. Cinq dossiers embouteillent son bureau. Celui de cinq familles qui demandent à être hébergées en attendant un relogement pérenne, en vertu de l'article L345-2 du Code social des familles. "Nous pensions qu'ils allaient appliquer la décision du tribunal pour les autres personnes", explique l'avocate de la LDH Sophie Mazas pour justifier les nouvelles procédures. "La dernière fois, une seule famille nous avait été présentée comme très vulnérable", balbutie le représentant de la préfecture. Le président le coupe aussitôt. "La seule question pertinente c'est : y a-t-il des familles avec enfants à la rue ? Si c'est le cas, vous connaissez la position du tribunal".
A quoi jouent le préfet et le maire ?
Sophie Mazas explique qu'une autre famille a pu être hébergée par le Conseil général de l'Hérault. Et déplore que toutes les autres, parmi lesquelles des enfants, des personnes âgées et des nourrissons, "ont été laissées dans la boue". Le président tranche : "Donc la situation n'a pas été réglée". Le fonctionnaire de la préfecture se lève à nouveau. "Nous n'avons pas pu procéder à une évaluation de la situation sur place". Le président le laisse à peine finir. "On ne subordonne pas à une situation comme celle-là des questions de procédure. On constate une situation et on y trouve une solution". Le représentant de l'État tente d'argumenter. "Il n'y a pas les structures nécessaires à l'hôtel pour reloger ces familles". Le juge souffle. "Attendez-vous à recevoir une injonction".
Au tour de la Ville qui demande une nouvelle fois à ce que sa responsabilité soit écartée. "La commune de Montpellier n'a pas les moyens d'appliquer l'injonction", fait valoir sa jeune avocate. Il y a quelques jours, un gymnase avait pourtant été ouvert en urgence par la mairie avant d'être refermé pour "permettre la reprise des activités". Argument bancal en période de vacances scolaires.
"Les dossiers pour l'achat de nouvelles caravanes d'occasion sont en route. Ce ne devrait plus être long", tente d'apaiser Sophie Mazas qui pose la question de la "discrimination" devant les catastrophes naturelles. "Aucun des naufragés de Grabels n'a eu à saisir le tribunal pour être relogé", fait remarquer à juste titre l'avocate de la LDH. Le juge abonde en son sens et rappelle aussitôt la loi. "Toute personne en situation de détresse mérite qu'on lui prête assistance sans considération de ses origines".
Le président du tribunal s'en tient au droit. Mais l'affaire est éminemment politique. Sinon qu'est-ce qui pousse donc le préfet de l'Hérault et le maire de Montpellier Philippe Saurel à jouer ainsi avec les procédures et les nerfs des associations (Cimade, Mrap, ATD Quart monde...) qui soutiennent les Roms ?
Cela fait plus de trois semaines que le relogement de ces familles est traité par dessus la jambe par les autorités compétentes qui se renvoient la patate chaude. Si par malheur un drame frappait un nourrisson ou un vieillard la nuit par 10 degrés dans une caravane insalubre, qui serait responsable ?
Rémy Cougnenc
http://www.lamarseillaise.fr/herault-du-jour/faits-divers-justice/32579-roms-nouveau-camouflet-pour-la-prefecture-et-la-ville-de-montpellier