jeudi 16 octobre 2014

Sans-papiers avec dignité et courage

La Coordination des comités de soutiens, devant la préfecture. arc. RALa Coordination des comités de soutiens, devant la préfecture. arc. R LMRS - MAUGENDRE

Le doc' « Arracher les droits » diffusé ce mercredi 15 octobre (19h) à la CAF du quartier de la Paillade à Montpellier.

Les mains sont crispées, les yeux dans le vide. Face à la hantise du fichage, sept sans-papiers de Montpellier bravent leur peur de sortir de l'ombre qui noircit leur quotidien de sans droit. Le ton hésitant, ces Marocains pour la plupart font tant bien que mal face à la caméra pourtant bienveillante de la Coordination des comités de soutiens des sans-papiers.
De sa création en 2007 à son auto-dissolution en juin 2013, le collectif filme son combat quotidien pour la « régularisation de tous les sans-papiers » dans Arracher les droits : paroles de sans-papiers en lutte. Un documentaire poignant de 45 minutes diffusé pour la première fois ce soir (19h) au centre social CAF de la Paillade, coeur du combat sociétal.
Saïd, Abdelaziz, Itto, Fatima, Mohamed, Fattouch, Samia*. Ils vivent et travaillent tous à Montpellier depuis plusieurs années. Mais au pays des Droits de l'Homme, la plupart sont aujourd'hui encore considérés par l'État dans l'illégalité pour ne pas être nés ici.
Les dépôts collectifs de dossiers
Comme Samia arrivée du Mali en 2002, ils sont nombreux au-delà du réconfort à avoir trouvé avec la création de la Coordination des comités de soutiens, un bouclier contre l'armada administrative de la préfecture. « Notre action principale consistait à contrer le principe du cas par cas de la préfecture en effectuant des dépôts collectifs de demandes de régularisation », résume Romain, l'un des trois co-réalisateurs du doc'.
Le premier dépôt collectif aura lieu dès 2007. Le dernier, qui comptait 72 dossiers dont une poignée ont eu gain de cause, date de 2010. Entre les deux, des heures de bataille juridique et de manifs sous la pluie avec toujours un seul mot d'ordre en tête : « Aucun être humain n'est illégal. »
Et pourtant. Voilà plus de 20 ans que Fatima cherche à comprendre. Veuve depuis 10 ans, cette Marocaine débarquée en France en 1992 se heurte à un mur pour obtenir des papiers. « On me dit que la retraite de mon mari est prête et qu'elle me sera versée dès que j'aurai ma carte de séjour. Mais quand ? Tout est bloqué. » Ineptie bureaucratique qui exige un travail pour délivrer des papiers et réclame des papiers pour pouvoir travailler. « La préfecture nous demande des preuves (ndlr : une promesse d'embauche ou un contrat de travail) que l'on ne peut pas avoir », désespère Abdelaziz arrivé en 2005.
Du centre de rétention à l'hôpital
D'autres ont tenté l'expérience... peu concluante. En janvier 2012, Mohamed, un Marocain de 42 ans à Montpellier depuis 1989, est arrêté par la police au beau milieu de son chantier. Conduit au centre de rétention de Sète, menacé d'expulsion, il n'en sortira que 15 jours plus tard pour rejoindre d'urgence l'hôpital pour avoir risqué sa vie durant 7 jours, le temps d'une grève de la faim du désespoir. A sa sortie, il ne sera pas régularisé malgré le soutien sans faille de la coordination. Aujourd'hui encore, il avoue avoir « peur de tout. Au moindre coup de frein, je sursaute. Est-ce que c'est la police ? ». L'angoisse au quotidien.
Zaïd n'est guère plus chanceux. En 2013, le Marocain a obtenu un titre de séjour provisoire d'un an. Maigre récompense pour celui qui se sent ici chez lui depuis près d'un quart de siècle. « On est venus pour travailler. Si je rentre au Maroc, je serai un étranger. » Et pourtant il y pense tant le rejet est fort. « Liberté, égalité, fraternité ce n'est pas pour tout le monde », déplore Abdelaziz. « Je ne crois pas qu'on ait beaucoup de droits ici », regrette elle aussi Samia qui avoue avoir « perdu confiance en [elle] ». « On est fracassés. » Être sans-papiers en 2014, un combat quotidien.
Rémy Cougnenc
source : l'Hérault du Jour