samedi 10 janvier 2015

ATTENTAT CONTRE CHARLIE HEBDO
FRANÇOIS BAYROU: "NOUS SOMMES EN GUERRE"

François Bayrou: "Nous sommes en guerre"
François Bayrou "est Charlie"© Philippe Petit
François Bayrou, président du MoDem,  appelle à la « solidarité nationale » et au « dépassement du camp contre camp ».

Que signifient ces événements ?
François Bayrou. Pour la France, pour notre modèle de société, pour la ­liberté de la presse, c’est aussi choquant que l’a été le 11 septembre pour les Etats-Unis. Plus rien ne sera comme avant.
Notre démocratie est-elle en danger ?
Elle est notre bien le plus fragile, le plus exposé. Ce qui est naturel, c’est ­l’oppression et la soumission. Pas la liberté. La liberté, ça se conquiert, et la liberté d’expression plus que toute autre. Oui, ­aujourd’hui, cette liberté-là est en danger, spécialement en France. Nous sommes un pays dans lequel la caricature, l’humour et l’insolence sont plus présents qu’ailleurs. Nous sommes un pays plus laïque que les autres et nous avons raison de l’être. Enfin, nous sommes exposés en raison de notre rôle dans la lutte internationale contre les djihadistes. Cela fait beaucoup de raisons d’être en alerte.
Comment la démocratie doit-elle répondre ?
Ce que cherchent ces gens-là, c’est que nous ­entrions en guerre les uns contre les autres, et spécialement en guerre contre l’islam, de ­manière à susciter un choc en retour. Notre ­réponse doit au contraire être celle de l’unité.
Est-elle possible ? Il y a déjà eu des tirs contre des lieux de culte musulman…
Ce matin, ce qui m’a frappé, ce sont mes copains musulmans chez moi, à Pau, qui m’appelaient avec des larmes dans la voix : “Ce n’est pas nous, ça, disaient-ils. On va faire une manifestation de musulmans. Ce ne sont pas des musulmans ces gens-là.” Eux aussi sont maintenant d’une certaine manière des victimes.

"IL FAUT CONSTRUIRE CE QUE J’APPELLE LA VIGILANCE DE VOISINAGE : AUCUNE ENTREPRISE TERRORISTE NE PEUT PASSER AU TRAVERS"

Que faudrait-il faire ?
D’abord refuser la division et choisir la solidarité entre toutes les composantes, les sensibilités de la nation. Deuxièmement, il faut faire le travail de sécurité avec tous les moyens nécessaires, sans la moindre concession. Troisièmement, il faut construire ce que j’appelle la vigilance de voisinage : aucune entreprise terroriste ne peut passer au travers. C’est une œuvre de défense nationale de proximité. Ce ne sont plus “des jeunes qui font des bêtises”, c’est beaucoup plus grave. Enfin, il faut que tout le monde se prenne en main, que cette ­ambiance d’unité natio­nale inspire les ­rapports humains et politiques dans notre pays. Comme quand il y a une guerre, parce que c’est une guerre, le temps est à la solidarité nationale.
Comment expliquer que notre démocratie ait engendré de tels monstres ?
La démocratie commence à partir du moment où précisément on refuse qu’une société soit la proie des tensions ethniques, religieuses, identitaires. La démocratie, c’est le pluralisme. Ce n’est pas elle qui a engendré ça, mais à l’inverse le ­retour de ceux qui veulent qu’une seule loi sectaire domine tous les ­aspects de la vie. La laïcité française, ­depuis Henri IV, c’est au contraire la séparation des enjeux d’Etat et des enjeux religieux. Je le dis d’autant plus que je suis croyant.

Les tireurs sont, semble-t-il, des jeunes nés en France.
Nous avons raté beaucoup de choses, notamment dans l’intégration. Nous avons beaucoup à reconstruire, à l’école, dans le civisme. Et cela devrait nous entraîner à dépasser les affrontements politiciens et partisans camp contre camp.
INTERVIEW CAROLINE FONTAINE
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