lundi 14 décembre 2015

La victoire du Front républicain citoyen, une leçon pour les partis.



La victoire du Front républicain citoyen, une leçon pour les partis.

Le Front républicain des citoyens a marché. Grâce aux citoyens ayant compris qu'en démocratie, il était aussi important de savoir voter CONTRE que POUR. C'est grâce à eux si la France se réveille ce matin soulagée. Si les budgets sociaux et culturels des régions sont en partie protégés. Si l'image de la France à l'étranger est préservée.

Cette résistance fait mentir tous ceux qui professent depuis des mois que "la diabolisation" du FN ne marche pas. C'est tout le contraire. La "dédiabolisation", c'est-à-dire la banalisation du Front national, ne marche pas. Elle lui aurait permis de gagner des régions si les citoyens des deux rives ne s'étaient pas mobilisés par peur de ses idées et de ce qu'il représente. S'ils n'avaient pas mis en garde contre la permanence de son racisme, son caractère faussement républicain et démocratique.

Ce n'est pas "diaboliser" - l'expression imposée par le FN - mais résister. Ce n'est pas non plus anti-démocratique, comme nous l'expliquent certains. C'est tout le contraire. Le signe d'une vigilance démocratique.

Leçons de gauche et leçons de droite

La carte de France ne serait pas la même, au Nord et surtout au Sud, si le PS n'avait pas consenti un vrai sacrifice. Si ses fédérations n'avaient pas accepté de donner toutes ses chances au Front républicain citoyen en retirant leurs candidats. Là aussi, ne reprenons pas les éléments de langage du FN. C'est le contraire d'une magouille politicienne. C'est faire passer la défense d'un principe et miser sur le long terme, au prix de renoncer à des postes sur le court terme. Et au fond, c'est ce que l'on attend des politiques.

Ceux qui ont pris sur eux de voter à droite pour faire barrage au Front national attendent également de la droite qu'elle s'en souvienne. À gauche, certains ont préféré rester "purs". Et ne pas voter contre le FN.

Ceux-là se demandent s'il existe encore une différence entre la droite ultra-sarkozyste et l'extrême droite. Ils n'ont pas tort sur le papier. Mais ils oublient d'intégrer une donnée qui change tout en politique : le non dit.

Quand un élu LR tient des propos très musclés sur l'immigration ou l'islam, c'est souvent une provocation verbale destinée à appâter le vote frontiste, qui va au-delà de ce qu'il pense et ferait une fois élu. Quand un élu frontiste dit la même chose, c'est rigoureusement l'inverse. Une version édulcorée de ce qu'il pense et ferait si son parti gagnait l'élection suprême. Ce n'est donc pas la même chose de voter pour Xavier Bertrand que pour Marine Le Pen.

Raisons de l'échec de la gauche en Ile-de-France

L'autre leçon de ce second tour, c'est l'échec de la liste conduite par Claude Bartolone en Ile-de-France, où la gauche était pourtant rassemblée et avait toutes ses chances.

C'est d'ailleurs peut-être ce qui lui a fait perdre cette élection. On dit beaucoup que la gauche doit se rassembler pour gagner. C'est vrai. Mais pas à n'importe quel prix. Pas au prix de devoir composer avec des candidats ou des courants flattant le communautarisme intégriste et refusant la fermeté du gouvernement envers le terrorisme. L'une des clefs qui explique la bonne résistance des listes de gauche dans les urnes.

Hier soir sur le plateau de TF1, Clémentine Autain donnait des leçons à tout le monde et au gouvernement sans en tirer aucune pour elle-même. C'est pourtant grâce à son alliance avec le Parti socialiste qu'elle a gagné un mandat en Seine-Saint-Denis. Et sans doute un peu à cause d'elle si le Parti socialiste a perdu en Ile-de-France.

La dernière ligne droite de cette campagne s'est faite dans un climat empoisonné. Le dérapage de Claude Bartolone contre Valérie Pécresse, qu'il semble avoir confondu avec Nadine Morano en l'accusant de défendre la "race blanche", n'aura pas eu autant d'échos s'il n'avait pour but de flatter l'approche communautariste de ses alliés.

Ce dérapage aurait eu moins d'échos si, au même moment, le courant de Clémentine Autain, Ensemble, n'avait rien trouvé de mieux que d'annoncer le meeting victimaire et islamiste de Tariq Ramadan et ses amis. Ceux qui ne sont ni "Charlie ni Paris". Des figures repoussoirs qui ont profité d'une salle prêtée par la Marie communiste de Saint Denis pour appeler à ne pas voter à gauche en raison de sa politique antiterroriste. En vertu de quoi, des laïques franciliens, dont des habitants laïques de Saint-Denis, n'ont pas pu voter pour la gauche. Quitte à laisser passer Valérie Pécresse et ses 14 candidats venus de La Manif pour tous...

La leçon est cruelle, mais confirme l'erreur de jugement d'une gauche radicale rêvant d'une victoire à la Syriza ou à la Podemos. Cela n'arrivera pas dans une France qui est moins traumatisée par le risque de banqueroute que par le risque permanent d'attentats. Si la gauche radicale veut donner des leçons économiques à la gauche de gouvernement, elle doit d'abord cesser les clins d'œil aux intégristes, qu'elle confond avec les damnés de la terre, alors qu'ils menacent l'idéal de progrès et nos vies.

La droite, à l'inverse, doit cesser sa surenchère xénophobe pour séduire le FN. C'est la grande leçon pour les partis politiques. Le front républicain des citoyens ne durera qu'un temps. Pour faire baisser durablement l'extrême droite, il faut élever et clarifier le débat public. Il faut une droite qui défende la fraternité. Et une gauche qui défende la laïcité.

Ce jour-là, nous pourrons enfin espérer voter pour des projets économiques distinguant vraiment la gauche de la droite. Nous serons de nouveau en paix.

Caroline Fourest

Essayiste, journaliste, éditorialiste, scénariste et réalisatrice engagée en faveur de l'égalité et de la laïcité et des droits de l'Homme