samedi 18 novembre 2017

Laïcité : «Le président doit parler fort», estime Manuel Valls


Laïcité : «Le président doit parler fort», estime Manuel Valls

17 novembre 2017, 6h00 | MAJ : 17 novembre 2017, 7h13
Paris, jeudi. « Il n’y aura aucune concession faite aux islamistes et

à leurs prédicateurs qui sont sortis définitivement du champ républicain », lance Manuel Valls.
LP/PHILIPPE DE POULPIQUET

Farouche partisan d’une laïcité sans concession, l'ancien Premier ministre appelle Emmanuel Macron à s’engager.

Bataille entre « Charlie Hebdo » et Mediapart, interdiction des prières de rue à Clichy... Le débat sur notre rapport à la religion s’invite de nouveau dans l’espace public. Interview avec l'ancien Premier ministre, Manuel Valls.
Que dit cette polémique qui vous oppose aujourd’hui à Edwy Plenel s’agissant de Tariq Ramadan ?

Manuel Valls.
 Ça n’est pas une polémique ou un petit débat... Je dénonce depuis une quinzaine d’années les ambiguïtés de Tariq Ramadan, le danger qu’il représente car je connais son influence, celle des Frères musulmans, sur une partie de notre jeunesse et de nos compatriotes musulmans. Et je l’ai fait dès 2003 en dénonçant ses propos antisémites. Aujourd’hui, je pointe du doigt la complaisance d’une partie de la gauche et notamment d’Edwy Plenel, mais pas seulement, à son égard. Au lendemain des attentats de l’Hyper Cacher et de « Charlie Hebdo », Ramadan, Plenel et le Comité contre l’islamophobie en France (le CCIF) ont organisé plusieurs réunions publiques pour dire « Je suis Charlie mais... ». Donc se faire passer pour des victimes, quand on s’appelle Ramadan, Plenel ou je ne sais qui d’autre, c’est fort de café. Les premières victimes dans cette affaire, ce sont celles de « Charlie Hebdo », ce sont les Juifs de France, ce sont des policiers et puis ce sont des citoyens quelle que soit leur confession qu’on a tués parce que la France, c’est un mode de vie, c’est la laïcité.
Vous incarnez, vous, une laïcité dite « de combat »...

Je ne crois pas à ces expressions. Il ne faut rien accoler à la laïcité. Aucun adjectif quel qu’il soit. La laïcité, c’est tout simplement ce qui définit le mieux la France et la République. Elle permet à chaque citoyen qui a fait le choix de croire ou de ne pas croire d’appartenir à la même nation. C’est le refus de toute emprise de la religion sur la société. Ceux qui essaient de nous définir comme des laïcards essaient de nous disqualifier comme si la laïcité était une religion. A leurs yeux, soit nous sommes des laïcistes, soit nous sommes violents, soit nous menons un combat contre l’islam. Ce qui est insupportable, c’est que l’on cherche à assimiler notre combat à un combat contre l’islam. Il n’y a pas de guerre faite aux musulmans. Mais il n’y aura aucune concession faite aux islamistes et à leurs prédicateurs qui sont sortis définitivement du champ républicain et de ce point de vue là, c’est vrai : la laïcité ne se négocie pas.
Emmanuel Macron a-t-il suffisamment pris à bras-le-corps ce combat ?

Le président est le garant du rassemblement. Il doit — enfin ça n’est pas une injonction — rappeler quels sont ces principes qui nous permettent depuis des décennies de vivre ensemble. Il doit parler fort. Il doit aussi très clairement rappeler la protection que nous devons à la presse, aux journalistes, aux dessinateurs... Edouard Philippe l’a fait il y a quelques jours au Parlement. Le cri de ralliement du 11 janvier 2015 : Je suis Charlie, nous sommes Charlie est un cri fondamental. Il doit être rappelé.
Vous attendez de Macron des mesures sur la laïcité ?

Notre enjeu principal est celui de l’école, de l’université. Cela ne nécessite pas des mesures mais une mobilisation pour inculquer à notre jeunesse, dès le plus jeune âge, les valeurs de la République. Le retour du fait religieux est incontestable, il s’explique sans doute par une recherche de repères mais l’Etat a une mission à mener dans le refus de toute immixtion du religieux dans le vivre ensemble. Et pour être fort, il faut que la parole vienne d’en haut.
Vous appelez à une réforme de l’islam ?

Ce sont des débats compliqués. Je ne suis pas théologien mais reprenez ce que dit Abdennour Bidar : nous devons dans notre système universitaire aider à un islam des Lumières. Nous avons besoin de cet islam des Lumières, de la tolérance qui est celui de l’immense majorité de nos concitoyens.
Est-ce que par moment vous ne regrettez vos mots souvent enflammés et pas nécessairement propices à un débat serein ?

Ce n’est pas de la virulence, j’ai mon style. Je dis les mots parce que moi, je ne me suis pas trompé sur la montée de l’antisémitisme et sur le danger des islamistes. C’est un combat qui est, je crois, vital, c’est le combat de ma vie, incontestablement.

source : Le Parisien