lundi 14 mai 2018

1er octobre 2018 : toutes les assurances officiellement en concurrence ! Serait-ce la fin du monopole de la Sécurité sociale ?

La directive 2016/97 du 20 janvier 2016 qui devait initialement s’appliquer au 23 février 2018, a vu sa date de transposition reportée au 1er juillet 2018, et sa date d’application au 1er octobre 2018.
Cette directive concerne la « distribution d’assurances », qu’elle soit assurée par les assurances elles-mêmes, ou par des intermédiaires (courtiers).
Dans ses considérants, cette directive réaffirme
  • la nécessité de « conditions de concurrence équitables entre distributeurs » (considérant 6),
  • la nécessité de « renforcer encore le marché intérieur et de promouvoir un véritable marché intérieur des produits et services d’assurance vie et non-vie » (considérant 9),
  • l’exigence, afin « d’éviter des cas de vente abusive », que « la vente de produits d’assurance soit toujours accompagnée d’une évaluation des exigences et des besoins réalisée à partir des informations obtenues auprès du client »
  • et que tout produit d’assurance proposé au client soit « cohérent avec les exigences et les besoins de ce dernier et présenté sous une forme compréhensible, afin de permettre au client de prendre une décision en connaissance de cause » (considérant 44),
  • l’exigence de « fournir au client une recommandation personnalisée expliquant pourquoi un produit particulier correspondrait le mieux à ses exigences et à ses besoins en matière d’assurance » (considérant 45).
  • que « les politiques de rémunération pratiquées par les distributeurs de produits d’assurance vis-à-vis de leur personnel ou de leurs représentants n’entravent pas leur capacité à agir au mieux des intérêts des clients, ni ne les dissuadent de faire une recommandation adaptée ou de présenter l’information de manière impartiale, claire et non trompeuse »(considérant 46).
  • Elle prévoit enfin, avant la conclusion d’un contrat, la remise au client d’un document d’information normalisé (considérant 48).
Cette directive s’applique aux « assurances collectives », en particulier aux « régimes de retraite professionnelle obligatoire » (considérant 49). Dans ce cas, il est prévu, si un salarié est affilié sans avoir pris personnellement la décision d’y adhérer, que « les informations lui soient fournies sans tarder après son affiliation au régime en question » (article 22).
Mais le plus intéressant est que, contrairement aux troisièmes directives assurances de 1992 (directives 92/49) et 92/96, abrogées et remplacées respectivement par les directives 2009/138 dite Solvabilité II et 2002/83 , cette directive 2016/97 n’exclut pas de son champ d’application les « assurances comprises dans un régime légal de sécurité sociale » !
Le document d’information normalisé, IPID (Insurance Product Information Document), prévu à l’article 20, a été précisé par le règlement d’exécution 2017/1469, avec un modèle type de présentation. Ses rubriques sont les suivantes :
« De quel type d’assurance s’agit-il ? »
« Qu’est-ce qui est assuré ? »
« Qu’est-ce qui n’est pas assuré ? »
« Y a-t-il des exclusions à la couverture ? »
« Où suis-je couvert(e) ? »
« Quelles sont mes obligations ? »
« Quand et comment effectuer les paiements ? »
« Quand commence la couverture et quand prend-elle fin ? »
« Comment puis-je résilier le contrat ? »
On voit mal comment la France pourrait faire échapper les « assurances comprises dans un régime légal de sécurité sociale » à l’application de cette directive, alors qu’une telle exclusion n’est de toute évidence pas prévue, sauf à prétendre, à la manière de Magritte (« Ceci n’est pas une pipe »), que l’assurance maladie ou l’assurance vieillesse ne sont pas des assurances.
Mais même si par extraordinaire le gouvernement tentait une nouvelle entourloupe, la large ouverture à partir du 1er octobre à la commercialisation sur le marché français de contrats d’assurances par des courtiers établis dans d’autres pays membres rendra inévitable l’application en France de la jurisprudence introduite par le TUE dans son arrêt du 5 février 2018 concernant la Slovaquie, selon laquelle
la circonstance que l’offre de biens et de services soit faite sans but lucratif ne fait pas obstacle à ce que l’entité qui effectue ces opérations sur le marché soit considérée comme une entreprise, dès lors que cette offre se trouve en concurrence avec celle d’autres opérateurs qui poursuivent un but lucratif.
Les jours du monopole de la Sécurité sociale sont donc comptés, et personne ne regrettera ce monstre soviétique tentaculaire qui ruine la France et les Français depuis des décennies !
Par Jean-Nicolas Boullenois.
source : https://www.contrepoints.org