samedi 21 mars 2020

Lamine Gharbi (FHP) : « Toutes les cliniques jouent le jeu et s'engagent contre l'épidémie de Covid-19 »

Le président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) Lamine Gharbi assure que ses cliniques sont mobilisées face à l'épidémie de coronavirus. Il en appelle à une meilleure complémentarité avec le service public pour optimiser la prise en charge des patients atteints du Covid-19.
LE QUOTIDIEN : Les cliniques sont-elles engagées face à l'épidémie aujourd'hui ?
LAMINE GHARBI : Nous sommes dans la lutte contre cette pandémie depuis de nombreuses semaines. Même si nous n'étions pas dans les radars, cela ne nous a pas empêchés de nous préparer. Nous avons déprogrammé l'ensemble de nos blocs opératoires. Cela représente 100 000 interventions par semaine. Seuls 30 000 patients urgents et pour lesquels il est impossible de différer l'intervention ont été maintenus.
En parallèle, nous mobilisons nos lits de réanimations. Au total, 4 000 lits vont pouvoir être armés. Nous travaillons à transformer certains lits de soins continus et intensifs en lits de réanimation. Il y a aujourd'hui 63 services de réanimation privés, si on rajoute les soins continus et les soins intensifs on arrive à 350. Nous préparons aussi les cliniques qui n'ont pas de réanimation à prendre en charge les patients atteints du Covid-19 qui nécessitent une observation ou un traitement médical. Nous avons dégagé des unités entières pour les accueillir. Aujourd'hui, nos services d'urgences tournent au tiers de leur capacité, nous sommes mobilisés et prêts à encaisser la vague.
Comment s'organise le travail avec l'hôpital public ?
Ce qui s'est passé dans la région Grand Est est dramatique. Sur place, les hôpitaux sont saturés et transfèrent des patients vers des territoires lointains alors que nous avons des réanimations à Strasbourg, Reims, Metz et Nancy. Le problème c'est qu'elles ne pouvaient pas fonctionner jusqu'à mercredi dernier car nous n'avions ni masques, ni tuniques pour les personnels. On marche sur la tête ! Heureusement désormais nos 70 lits de réanimation sont occupés.
Mais il nous manque toujours des protections pour nos personnels qui sont exposés. Aujourd'hui, le roulement est dans la normale, autour de 10 à 15 % d'arrêts maladie. Si nous atteignons 30 % nous aurons du mal à fonctionner. J'en appelle à une meilleure complémentarité entre le public et le privé. L'hôpital qui est en première ligne doit pouvoir se tourner vers nous. Il faut monter, sous l'égide des agences régionales de santé, des cellules de crise communes pour coordonner les deux secteurs. Il faut arrêter de penser que seul le public peut sauver nos concitoyens de cette pandémie.
Les cliniques craignent-elles un manque à gagner lié aux déprogrammations ?
L'assurance-maladie s'est engagée à nous verser à la fin du mois une avance de trésorerie équivalente à un douzième d'année de chiffre d’affaires. Celle-ci va nous permettre de payer nos médecins et nos charges. Nous bénéficions aussi du report de nos échéances URSSAF et de nos emprunts comme n'importe quelle entreprise. Quand on aura retrouvé une activité normale, une étude de la perte d'exploitation et de la baisse d'activité sera faite avec le ministère. On comparera le chiffre d’affaires de la période avec celui de l'année passée et si besoin, nous serons compensés. Je ne suis pas inquiet sur le fait que nous serons remerciés car toutes les cliniques jouent le jeu et s'engagent contre l'épidémie.
[Mise à jour] : Dans son point de situation du 19 mars, le Pr Jérôme Salomon de la Direction générale de la santé (DGS) a assuré être « en train d'organiser, en particulier dans le Grand Est, une solidarité entre établissements de santé publics et privés » car ces derniers « peuvent fournir des soignants et des respirateurs mais aussi accueillir des malades graves en réanimation avec des capacités parfois importantes ».