mercredi 9 avril 2014

Des Avignonnaises clament : "Je ne mérite pas d’être violée"

Marion, étudiante, a décidé elle aussi de soutenir les femmes brésiliennes.
Marion, étudiante, a décidé elle aussi de soutenir les femmes brésiliennes. (SETSUNA@)
Des Avignonnaises posent nues sur internet contre l'idée que les femmes seraient responsables des violences sexuelles qu'on leur fait subir.
"Eu nao mereço ser estuprada”. Traduit du portugais : "Je ne mérite pas d’être violée." Depuis plusieurs jours, des milliers de femmes à travers le monde, et de nombreux hommes aussi, répandent ce slogan comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux, en forme de manifestation virtuelle. Elles étaient déjà plus de 20 000 samedi 5 avril.
Devant l’objectif de leur téléphone portable, elles posent nues ou en tenue légère avec ces lettres tatouées au feutre noir sur la poitrine, le ventre ou le creux des reins. Un message de colère diffusé depuis le 28 mars dernier, à l’appel d’une journaliste et militante féministe brésilienne Nana Queiroz pour protester contre l’idée que les femmes seraient responsables des violences sexuelles qui leur sont faites.
65 % des 3 810 personnes des deux sexes interrogées estiment que "les femmes portant des vêtements qui laissent voir leur corps méritent d’être violées"
Comme semble le penser plus d’un Brésilien sur deux, selon un sondage publié le 27 mars par l’Institut brésilien de recherche économique appliquée(IPEA). D’après cette enquête, 65 % des 3 810 personnes des deux sexes interrogées estiment que "les femmes portant des vêtements qui laissent voir leur corps méritent d’être violées". Et 58 % des sondés brésiliens considèrent que si "les femmes se comportaient mieux, il y aurait moins de viols".
Au Brésil les viols sont en hausse inquiétante
Tollé au Brésil où les viols sont en hausse inquiétante et où la question de l’avortement est très sensible. Même la présidente Dilma Rousseff a réagi à ce sondage sur son compte Twitter en estimant que "la société brésilienne avait beaucoup de progrès à faire".
Indignées ou bouleversées, spontanément, le 2 avril dernier, cinq jeunes Avignonnaises se sont jointes au mouvement de protestation en se risquant à poster sur la toile des photos d’elles dénudées. L’auteur des clichés, la photographe avignonnaise Setsuna@, membre de l’Aca (atelier coopératif artistique), a également donné de sa personne : "Mes modèles sont des hommes en général, explique l’artiste. Ce qui m’a poussé à le faire, c’est mon statut de femme vivant dans une grande ville. En France, les agressions sexuelles existent mais dans d’autres pays, elles sont autorisées voire encouragées."
"Féministes à la cuisine ! "
En tant que femme et photographe, elle a donc choisi de poser aussi. À travers ce travail "artistique" en noir et blanc, Setsuna@ explique qu’elle a cherché à capter l’expression de chaque "individualité féminine sans vulgarité".
Mais il n’y a pas qu’au Brésil qu’un décolleté peut faire un drôle d’effet. Les jeunes femmes n’ont pas eu que des retours positifs autour de leur initiative. "La féminité, le respect du corps de la femme, on se rend compte que la mentalité des gens est fermée par rapport à ça. Certains disent que la démarche est ambiguë", explique Marion, Avignonnaise, étudiante en sciences politique à Montpellier I. Preuve en est, certains commentaires, à visage découvert sur sa page Facebook.
Des internautes qui goûtent peu cet “effeuillage” comparé au mieux à "l’escroquerie femen". "Cela illustre parfaitement l’avilissement de la femme, celle que l’on appelle “femme objet”", affirme l’un d’eux.
"Certaines mentalités font froid dans le dos"
Setsuna@, photographe De son côté, la Brésilienne Nana Queiroz a reçu des centaines de messages d’insultes et même jusqu’à des menaces de viol. Un groupe, effacé depuis, en appelait même à organiser un viol collectif. Certaines photos postées sur le mur de l’événement ont été détournées, remplaçant le texte écrit sur les pancartes par “Si, tu le mérites” ou “Féministes à la cuisine”.
"Cette expérience nous a permis de revenir un peu de nos illusions, reconnaît de son côté Setsuna@. On se dit qu’en France on a la chance de ne pas avoir les mêmes problèmes, mais on s’est rendu compte que certaines mentalités font froid dans le dos."
La Brésilienne Nana Queiroz a reçu des centaines de messages d’insultes et même jusqu’à des menaces de viol
Le 4 avril dernier, on a finalement appris que l’Ipea s’était trompé dans les pourcentages. Il ne s’agissait pas de 65 % des Brésiliens qui pensent que les femmes portant des vêtements provocants méritent d’être attaqués, mais de 26 %. "J’en suis très contente, a déclaré la féministe brésilienne, Nana Queiroz. Mais ça ne change rien : ce sont toujours 26 % de trop ! Les histoires qu’ont racontées les femmes sur les réseaux sociaux sont la preuve suffisante que l’étude avait raison et qu’il y a encore du chemin à faire."
HÉLÈNE AMIRAUX
source : Midi Libre