▬ Yasmina Khadra ▬ : « je n’ai pas le droit d’être Charlie »
Le romancier algérien Yasmina Khadra a dévoilé dans une interview diffusée, hier samedi sur Al Jazeera, ses opinions concernant les évènements survenus en Europe et dans les pays musulmans suite aux attentats perpétrés le 7 janvier dernier à Paris. L’auteur a évoqué également la situation politique en Algérie.
« Je suis Mesmar Djeha (Saïd Mekbel Ndlr), Djaout, Yafsah (…). Je n’ai pas le droit d’être Charlie. On ne peut que l’inviter à nous rejoindre ce Charlie parce que nous étions les premières victimes du terrorisme », a déclaré l’auteur en rappelant que l’Algérie est le pays le plus touché dans le monde par l’assassinat des journalistes.
Yasmina Khadra, de son vrai nom Mohamed Moulessehoul, a estimé que l’amalgame entre Islam et terrorisme est le produit d’un « affrontement des extrêmes ». « En France la liberté d’expression est sacrée. Dans les pays musulmans la religion est sacrée. Tous les deux ont raison de défendre leurs valeurs et tous les deux ont tort d’imposer leurs valeurs aux autres. C’est au plus intelligent et au plus cultivé de faire certaines concessions. Il faut respecter la foi des autres ».
Il a indiqué que « l’Islam n’a rien à voir avec les dérives. Il ne faut pas confondre la foi et l’idéologie. (…) la majorité des musulmans sont des gens braves, aimants, fraternels, généreux, hospitaliers... ». Et de se demander : « je ne vois pas comment on s’autorise à réduire toute une nation musulmane à quelques milliers de personnes qui sont dans l’erreur ? »
Il a expliqué dans le même contexte que « Dieu n’a pas besoin d’être défendu par des mortels. Comment peut-Il mandater des êtres vulnérables, pauvres et misérables à le défendre. Nous sommes en train de vivre dans l’absurdité dans ce qu’elle a de plus immonde ».
Interrogé sur la liberté d’expression en France et le cas de Dieudonné, Yasmina Khadra a commencé par dire que le gouvernement français a été « admirable » dans sa gestion des attentats du 7 janvier mais il a toutefois commis « certaines erreurs ». Pour lui « Dieudonné n’a pas fait l’apologies du terrorisme » quand il a déclaré « je me sens Charlie Coulibaly ». Il voulait dire : « je vis dans un pays de liberté mais je suis considéré comme un terroriste ».
« Les Algériens n’ont pas une vie normale »
Le romancier algérien a dit, par ailleurs, qu’il est « vomi et exclu dans les milieux intellectuels en France » où il compte, pourtant, 4 millions de lecteurs.
L’auteur de « A quoi rêvent les loups » a expliqué que sa candidature pour l’élection présidentielle du 17 avril 2014 traduit « un devoir citoyen ». Son objectif à travers cet engagement était de dire « Non à un régime qui n’a pas compris qu’il est temps pour lui de s’effacer et de laisser les jeunes génération prendre en main leur propre devenir ».
Pour Yasmina Khadra, « les Algériens n’ont pas une vie normale. Ils sont dans l’angoisse permanente, dans le stress. Ils se lèvent le matin avec un million de problèmes et le soir ils s’endorment avec un milliard de problèmes. Ils n’ont pas le sentiment d’améliorer les choses quotidiennement. Au contraire, ils ne s’arrêtent pas de s’enliser et de sombrer ».
« Aucun peuple ne peut survivre à ça », a affirmé Khadra à la chaîne qatarie Al Jazeera. El Watan/Dimanche 18 janvier 2015