lundi 19 juin 2017

«Emmanuel Macron bénéficie d'une épidémie de croyance» selon Boris Cyrulnik

Boris Cyrulnik est psychiatre. Pour lui, ce sont les adversaires d'Emmanuel Macron qui lui ont permis d'endosser son «costume de sauveur»
LP/Olivier Arandel

Pour Boris Cyrulnik, psychiatre et écrivain, la victoire du mouvement d'Emmanuel Macron au premier tour des législatives tient plus du phénomènes de foule, qui place tous ses espoirs dans le président.

Le psychiatreet écrivain Boris Cyrulnik a travaillé deux ans avec Emmanuel Macron.

Les Français ont plébiscité la République en marche (LREM) au 1er tour. Pourquoi ?
BORIS CYRULNIK. Il n'y a pas beaucoup de raisons politiques et rationnelles ! Il s'agit d'un phénomène de foule et, plus précisément, d'une épidémie de croyance. Ce n'est pas la première fois que cela arrive. Giscard avait déjà été élu avec une vague. Idem pour Hollande. Ce phénomène survient après qu'une collectivité a été blessée par un échec, économique, militaire... Elle a alors besoin de croire qu'un sauveur va arriver. Elle place tous ses espoirs en lui. Elle a besoin d'un «papa» tranquillisant. C'est un phénomène psychosocial plus que politique.

Emmanuel Macron suscite un tel engouement ?
S'il a, pour l'instant, un tel succès, ce n'est pas dû au hasard, mais à l'autodisqualification des politiques de gauche et de droite. Ils n'ont eu de cesse de se dévaloriser avec des conflits internes. A gauche, les frondeurs ont massacré Hollande. Il n'a pas été attaqué par la droite, comme c'est la règle démocratique, mais par sa propre famille. On observe le même phénomène à droite. Individuellement, des personnalités se sont agressées. Les Français en ont marre de ces disqualifications haineuses, des politiques qui sèment la haine, de leurs petites phrases... Et, au milieu, Macron a émergé, tout sourire. Il est encore pur parce qu'il est jeune, aucune charge ne pèse sur lui. La droite et la gauche l'ont mis en place. Dans l'imaginaire collectif, c'est lui le sauveur. Cette situation psycho-culturelle lui a ouvert un boulevard qu'il a eu le talent de mettre à profit. Ce sont ses adversaires qui lui ont permis d'endosser ce costume de sauveur.

Quels sont les critères qui font mouche auprès des Français ?
Il est jeune, brillant, beau. Il n'a rien à se reprocher. Pour l'instant, l'image est parfaite. Je ne sais pas combien de temps cela va durer.

Cette épidémie de croyance peut-elle s'éteindre ?
C'est le propre des épidémies : la variole finit toujours par disparaître ! Pour l'instant, il surfe avec habileté sur cette vague macronienne. Il va probablement continuer à en bénéficier dimanche, mais peut être déjà à un niveau moindre, même s'il correspond à un besoin des Français qui veulent un peu de fraîcheur. Inévitablement, des conflits vont finir par apparaître.
  
Le Parisien