vendredi 31 octobre 2014

Patrick Besson prouve que Zemmour est d'extrême droite : une démonstration accablante

LE PLUS. Patrick Besson s'attaque à son tour à Éric Zemmour. Dans une chronique publiée par "Le Point", l'écrivain propose un jeu : identifier parmi des citations celles qui appartiennent à Éric Zemmour ou à l'écrivain collaborationniste Lucien Rebatet. Résultat ? Les deux hommes disent la même chose. Une nouvelle preuve que Zemmour est d'extrême droite...

Édité par Sébastien Billard  Auteur parrainé par Aude Baron
Eric Zemmour au tribunal de Paris, le 14 janvier 2011 (AFP/M. BUREAU).

Lire Zemmour et son "Suicide français", c'est lire Rebatet et ses "Décombres". C'est lire extrême droite. C'est lire le pire. La preuve en est administrée dans la dernière livraison du "Point", dans la chronique de Patrick Besson. Et la démonstration est aussi implacable que redoutable.

Dans le genre, le procédé utilisé par Besson (célébré sur Twitter par Guy Birenbaum, de France Info) est aussi simple que ludique. Il lui suffit de citer des extraits emblématiques des deux livres, "Les Décombres" et "Le suicide français", et de présenter les choses sous forme de jeu :

"Règle du jeu : parmi les phrases suivantes, lesquelles sont de Eric Zemmour et lesquelles sont de Lucien Rebatet ?"

Chez Zemmour et Rebatet, une même obsession

Avant tout, procédons à un petit rappel historique et littéraire. "Les Décombres" est un livre à succès, publié en 1942, sous l'Occupation. Rebatet y évoque une France morte, parce qu'abandonnée aux juifs. Mieux encore, celui qui est aussi le critique de cinéma de "Je suis partout" estime que Pétain, Vichy, l'Action française et Maurras sont finalement des faibles, des indécis et des velléitaires.

Bref, "Les Décombres" est un plaidoyer en faveur d'une collaboration totale avec l'occupant nazi.

Besson s'est donc amusé à compiler des citations des "Décombres" et du "Suicide français". Et le résultat est accablant. Même obsession de la mort de la France. Même nostalgie du vrai "chef". Même dénonciation de la Révolution de 1789. Même aversion pour les "élites". Même crainte des "maladies" touchant à l'identité française.

Ainsi, pêle-mêle, peut-on lire, grâce à Besson, du Rebatet et du Zemmour, sans qu'il soit possible de discerner qui est l'auteur des formules. On a ainsi le sentiment, en lisant ces propos, qu'ils sont de la même plume. Une même pensée. Un même cerveau. Un même auteur. Le même, en 1942 comme en 2014.

On comprend alors le titre ambigu de la chronique de l'écrivain : "Drôle de jeu"...

L'écriture de l'un est plus remarquable que celle de l'autre

"La France est l'homme malade de l'Europe", "la France est gravement malade, de lésions profondes et purulentes", "la France se meurt, la France est morte", "je ne veux pas voir déposer la France entre quatre planches", "l'égalitarisme avait répandu son venin", "ce n'était pas encore assez pour arracher la bourgeoisie à son sommeil de marmotte", "la plupart de nos élites ont renoncé"...

Bien malin qui peut attribuer, à première vue, tantôt à l'un, tantôt à l'autre, les citations supra. Sauf que le jeu devient plus facile dès lors que l'on s'attache au style. Car l'écriture de l'un est plus remarquable que celle de l'autre.

On reconnait certaines sentences de Zemmour à ce qu'elles n'ont pas le style de Rebatet. Par exemple, "la plupart de nos élites ont renoncé", c'est une phrase sans style, ce qui n'est pas le cas de : "Ce n'était pas encore assez pour arracher la bourgeoisie à son sommeil de marmotte".

Dès que l'on est muni de cette grille de lecture, le jeu de Patrick Besson devient plus facile.

Zemmour n'a pas de style, c'est ce qui le distingue de Rebatet. Nos jeunes lecteurs diront sans doute que le chroniqueur de RTL est "moins stylé", et ils auront raison. On pense à Céline, qui aurait sans doute moqué Zemmour :

"Ce qui compte, c’est le style, et le style, personne ne veut s’y plier. Ça demande énormément de travail, et les gens ne sont pas travailleurs, ils ne vivent pas pour travailler, ils vivent pour jouir de la vie, alors ça ne permet pas beaucoup de travail."

C'est un homme de télé et non un écrivain

D'un point de vue littéraire, à la place de Zemmour, on serait humilié par cette comparaison. N'est pas Rebatet qui veut. Même dans l'abandon à la haine, au rejet, à l'abjection, il est bon d'avoir du style. Surtout quand on prétend à l'entrée au Panthéon littéraire par la porte de droite.

Besson est rusé et sournois. Il met en évidence le plus accablant pour Zemmour. Être d'extrême droite, pourquoi pas ? Mais être d'extrême droite et avoir la plume balourde et empruntée, c'est injurier les grands anciens dont on se réclame : BarrèsLéon DaudetDrieuJouhandeau et les autres. Impardonnable. Inexcusable. Insupportable.

Il faut 600 pages à Zemmour pour dire tout le mal qu'il pense du monde d'aujourd'hui, de son culte de la jeunesse, alors qu'il avait suffi dune page et d'une formule à son prédécesseur au "Figaro Magazine",Louis Pauwels, pour dire tout le dégoût que lui inspirait, déjà, la jeunesse de 1986 :

"Les enfants du rock débile, les béats de Coluche et de Renaud, ahuris par les saturnales de Touche pas à mon pote" (...) C’est une jeunesse atteinte d’un sida mental. Elle a perdu ses immunités naturelles ; tous les virus décomposants l’atteignent. Nous nous demandons ce qui se passe dans leurs têtes. Rien, mais ce rien les dévore."

"Sida mental". L'expression avait fait mouche. C'est que Pauwels, qui connaissait son Céline, avait du style, aussi. La formule est restée dans les mémoires. On en parle encore. En revanche, on a beau parler et parler du "Suicide français", contempler et écouter chaque jour Zemmour à la télé et à la radio, aucune formule ne fait mouche. Rien. Pas une. Zemmour se regarde à la télé, mais il n'est pas cité.

Une duperie politique et littéraire

Non, dépourvu de style, Zemmour ne respecte même pas la culture de droite dont il se réclame. Un problème d'assimilation, sans aucun doute. Répétons-le, on ne devient pas de droite, on nait de droite. Qui ne baigne pas dans cette culture dès les premières heures de sa vie ne rattrapera jamais le temps perdu.

En vérité, les lecteurs enamourés de Zemmour se font duper deux fois

Duperie politique. Zemmour n'est pas de droite, il est bel et bien d'extrême droite. On pense à tous ces modérés, où qui se flattent de l'être, qui achètent le livre en croyant trouver là une ode aux années de Gaulle, aux années Pompidou. La célébration de la DS et de Mireille Mathieu. Le culte de Léon Zitrone et du Tour de France quand il était remporté par Thévenet. La nostalgie de l'ORTF et des nappes de restaurant en vichy rouge et blanc.

Le livre est vendu sur la promesse du "c'était mieux avant" gaullo-pompidolien, mais en réalité (et c'est en cela que le petit jeu de Besson prend tout son sens), politiquement, il expédie Zemmour à l'extrême droite. Sa place désormais. Toute sa place. Rien que sa place. Sur RTL comme à i>Télé.

Duperie littéraire aussi. On se doute bien que parmi les lecteurs de Zemmour figurent aussi bien des nostalgiques de la littérature de la droite extrême, peu enclins à célébrer "Mon général" ou l'amateur deKandinsky. Ceux là viennent chercher chez Zemmour le vertige de la transgression et de l'interdit, "je pense mal, je lis mal, telle ma joie et mon bonheur".

Malheureux gogos, persuadés que lire Zemmour en 2014, c'est comme lire Barrès en 1914. Ça se figure chez Drieu. Ça se croit chez Céline. Ça se rêve chez Brasillach. Ça s'imagine chez Bernanos. Mais ça n'est que chez Zemmour.

L'extrême droite aussi, c'était mieux avant

Zemmour dénonce le "politiquement correct" comme Bernanos dénonçait la "bien-pensance" disent-ils, ignorant que la "bien-pensance" que dénonçait Bernanos, c'était celle de la bourgeoisie catholique et monarchiste gangrenée par l'argent, autrement dit, celle de leurs ancêtres.

Les "bien-pensants" d'aujourd'hui, vus par Bernanos, se trouvent chez ces lecteurs de Zemmour qui sont aussi parmi les électeurs de Nicolas Sarkozy et de Marine Le Pen. Mais ceux là, par ignorance et/ou bêtise, sont persuadés que les bien-pensants, c'est la gauche. C'est dire que les droites 2014, qui célèbrent Zemmour, ne savent plus ce qu'elles sont, d'où elles viennent, ce qu'elles portent d'héritage et dérivent en pleine confusion.

On résume : des lecteurs de droite lisent Zemmour en pensant renouer avec le gaullisme et une certaine idée de la droite alors qu'il est d'extrême droite, et des lecteurs d'extrême droite lisent Zemmour en croyant renouer avec les mânes littéraires de Rebatet, Barrès, Bernanos et compagnie alors qu'il est en fait l'héritier de Montaldo.

Là réside la vertu du petit jeu proposé par Patrick Besson : démasquer deux fois Zemmour. Polémiste d'extrême droite, oui, mais sans le style qui fait le polémiste d'extrême droite. Et à travers ce petit jeu, de démontrer le naufrage politique et littéraire des droites françaises qui lisent "Le Suicide français".

Contemplant ce malentendu, d'un point de vue littéraire, on peut pour une fois penser comme Zemmour : l'extrême droite aussi, c'était mieux avant.


Sur le web : BFM Story: Polémique Zemmour: "le régime de Vichy a sali l'honneur de la France", Arno Klarsfeld - 27/10