Lors de l’expulsion mouvementée du squat Utopia 001, avenue de Lodève à Montpellier, ce matin, le fonctionnaire de la Brigade anti-criminalité (sic) a empêché Montpellier journal de faire son travail : filmer les brutalités policières. Sa photo ci-dessous et la vidéo de la scène plus bas.
Par Lucie Lecherbonnier
Dès mon arrivée sur les lieux à 9h45, je constate qu’un cordon de policiers bloque le passage en haut de l’avenue de Lodève, 50 mètres environ en amont de l’entrée du squat l’Utopia 001. Une vingtaine de camions de police sont stationnés sur le bas-côté de la route. La plupart des squatteurs, ils sont une cinquantaine, a déjà été expulsée, seuls les enfants et cinq squatteurs réfugiés sur les toits, sont encore à l’intérieur.
Je me présente aux forces de l’ordre en tant que journaliste et demande à pouvoir accéder au squat. On me réclame une carte de presse. J’explique que je n’en ai pas encore (je travaille à Montpellier journal depuis septembre) mais propose ma carte de visite. L’accès me reste refusé. Pendant près de trente minutes je pose des questions, prend quelques photos sous le regard des policiers qui, à ce moment, m’ont déjà identifié comme faisant partie de la presse.
Prévenant une charge éventuelle, les manifestants décident de s’asseoir sur le sol, bloquant le passage du tram. L’action se déclenche brutalement et sans sommation. Les manifestants encerclés sont traînés au sol et ramenés sur le bord de la chaussée. Téléphone à la main je tente de m’approcher des personnes à terre. Un premier policier me demande, sans brutalité, de me mettre sur le côté. Je m’exécute tout en continuant de prendre des images. Alors que j’essaye de me décaler pour filmer un des manifestants qui semble blessé, un second policier, sur l’uniforme duquel figure un écusson de la BAC de Montpellier (voir photo ci-dessus et vidéo ci-dessous), non casqué, portant un bandana bleu sur le visage et des lunettes me bloque le passage : « On recule, on s’enlève des voies. » Il se place devant moi et me saisit le bras. Je lui demande de me lâcher, ce qu’il fait. Je tente de filmer les policiers encerclant un petits groupe de manifestants. Il reprend : « On recule. » Puis m’arrache mon portable des mains et le donne rapidement à un collègue situé derrière lui.
Regarder la vidéo :
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Je veux récupérer mon téléphone mais les policiers m’empêchent de passer et me poussent à l’écart. Je constate que le policier en possession de mon téléphone est en train de le manipuler. Cherche-t-il à effacer les images ? Je crie : « Je suis journaliste, j’ai le droit d’être ici ! » Mais on me maintient à l’écart. Me dégageant du groupe de policier, je m’adresse à celui qui semble être en charge du commandement (photo ci-dessous) et lui demande comment récupérer mon appareil. Réponse : « Ça y est on s’est calmé, on est moins agressive maintenant ? » Je répond : « Je ne suis pas agressive, je fais mon travail. » Lui : « Et nous aussi. » Confisquer le matériel d’une journaliste ferait-il donc partie du travail de la police ?
J’exige de pouvoir récupérer mon matériel mais rien n’y fait, la réponse reste la même, pas de carte de presse, pas de statut de journaliste. Les policiers ne savent-ils pas que tout citoyen à le droit de filmer ou de photographier les interventions de la police ? Guillaume Neau, chargé de communication pour la police nationale de l’Hérault, écrivait pourtant par mail en avril 2009 à Montpellier journal : « Dans l’exercice de nos missions au quotidien, nous sommes de plus en plus confrontés à la captation voire à la diffusion de notre image ou de nos paroles par des tiers. Or, si nous bénéficions, comme tout citoyen, du droit au respect de la vie privée, nous ne pouvons faire obstacle à l’enregistrement ou à la diffusion publique d’images ou de paroles à l’occasion de l’exercice de nos fonctions. Il est donc exclu pour nos services d’interpeler la personne effectuant un enregistrement, qu’elle appartienne à la presse ou non, ainsi que de lui retirer son matériel ou de détruire les prises de vue effectuées. Un policier ne peut, en principe, s’opposer à l’enregistrement ni à la diffusion d’images ou de sons. La liberté de l’information, qu’elle soit de la presse ou d’un simple particulier, prime le droit au respect de l’image ou de la vie privée dès lors que cette liberté n’est pas dévoyée par une atteinte à la dignité de la personne ou au secret de l’enquête ou de l’instruction. Nous restons très attentive aux exploitations qui pourraient en être faites. »
Je suis donc « invitée » à me rendre à l’Hôtel de police pour réclamer mon bien. Quelques instants plus tard, un manifestant me tend furtivement mon téléphone, dans l’agitation je n’ai pas le temps de lui demander comment il a pu le récupérer.
Le manifestant que je tentais d’approcher a en effet reçu un coup au visage, son nez semble cassé. On annonce que les cinq squatteurs restés sur le toit ont été emmenés au poste. Ils seront libérés très rapidement dans la matinée. L’avocate des squatteurs maître Sophie Mazas, sort alors du squat. Une assemblée générale s’organise sur la chaussée. Sur les conseils de leur avocate, les squatteurs décident alors de la dispersion. Pour les deux personnes blessées, Ghiless et Jonathan que Montpellier Journal avait interviewé quelques jours avant l’expulsion (voir ici), la suite du programme se déroulera à l’hôpital. Rendez-vous à l’Utopia 002 ?
http://www.montpellier-journal.fr/2014/10/un-policier-de-la-bac-arrache-son-telephone-a-montpellier-journal.html