vendredi 19 décembre 2014

Philippe Saurel, Pôle Position

Philippe Saurel, Pôle Position


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Philippe Saurel @Mario Sinistaj



Maire de Montpellier, le président de la future Métropole voit déjà plus loin. L’élu a pris son bâton de pèlerin, parcourant la région pour convaincre 40 présidents d’intercommunalités de s’engager, à ses côtés, dans la création d’un pôle métropolitain de Nîmes à Perpignan. Cette structure de coopération, inédite en France sur une telle échelle, apportera-t-elle plus de cohérence et d’efficience dans les politiques publiques ? Philippe Saurel en est convaincu. Pour peser dans la future grande région, il défend sa position sur le pôle.
Un pôle métropolitain, pour quoi faire ? Qu’attendez-vous de ce pôle ?
A ce jour, il n’existe aucune structure chargée de mettre en relation les agglomérations et leurs présidents. Il faut combler ce vide avec le pôle métropolitain que l’on peut définir comme une «coopérative d’agglomérations» qui se parlent pour coordonner leurs efforts en apportant plus de cohérence à leurs projets, par exemple pour l’aménagement du territoire ou les thématiques économiques.
 Le pôle ne sera donc pas une sorte de super-agglo ? 
Non. Le pôle est une instance politique, pas une institution administrative : il ne lève pas d’impôts et ne dispose pas de budget spécifique. Mais cette structure doit permettre aux élus, de Nîmes à Argelès-sur-Mer, de travailler ensemble sur 5 grandes thématiques identifiées, qui sont celles de Montpellier Méditerranée Métropole étendues à tout le territoire : le tourisme, la santé (au sens de l’OMS), la mobilité, le numérique et l’agroécologie-alimentation. On peut aussi citer une sixième thématique vitale et incontournable : culture et sciences humaines.
Concrètement, que peut attendre la population de ce pôle métropolitain ? Une meilleure gestion de l’argent public ? Plus d’efficience ?
Un peu tout cela. Même si, au sein du pôle, chaque agglomération restera indépendante, le dialogue que nous devons installer doit nous permettre, en coordonnant nos actes, d’optimiser l’argent public. Le rôle du pôle est de nous rendre plus efficace dans les projets que nous pourrons porter ensemble. Le but final, en intervenant sur la santé, les transports et le TGV, l’économie et l’emploi, la viticulture et l’agriculture, le développement du numérique, l’innovation, le tourisme, le sport, la culture, et d’arriver à améliorer la qualité de vie de nos concitoyens.
Quel sera le périmètre de ce pôle métropolitain ?
J’aurais pu faire le choix d’un pôle limité aux agglomérations entourant la Métropole. Toulouse, par exemple, s’appuie sur un pôle métropolitain d’une douzaine d’agglomérations limitrophes… Je pense qu’il faut voir plus grand et surtout plus loin pour notre territoire composé d’une multitude d’agglomérations importantes. J’ai donc rencontré les présidents d’agglos et les maires au-delà des frontières de la métropole et même du département, dans le Gard, l’Aude et les Pyrénées-Orientales. Je peux confirmer qu’aujourd’hui, une trentaine de présidents communautaires ont donné leur accord de principe au pôle métropolitain, soit 900 maires ! On peut également citer le sud Aveyron : Millau m’a fait part de son intérêt pour intégrer le pôle.
Ce pôle va prendre les dimensions de la région Languedoc-Roussillon…
Je précise que je dois encore voir une dizaine de présidents, de la Grand-Combe (30) à Argelès-sur-Mer (66). Au final, nous pouvons espérer rassembler une quarantaine d’agglomérations. Nous créerons alors une instance qui représentera plus de 1 200 maires ! Lorsqu’il s’agira de porter des projets ou faire entendre nos voix, auprès de la future grande Région, de l’Etat ou de l’Europe, nous serons plus forts. On est toujours plus forts à 1 200 que tout seul dans son coin… Sinon, concernant l’allusion à
l’actuelle région Languedoc-Roussillon, je précise que le pôle n’a pas vocation à se substituer à la Région.
Dans le cadre de la réforme territoriale, justement, on peut se poser la question : le pôle métropolitain ne remplacera pas la Région ?
Non. Il ne se substituera jamais à la Région Languedoc-Roussillon
mais il constituera une force incontournable dans le cadre de la création de la future grande Région. L’enjeu, avec ce pôle
métropolitain, consiste à créer une instance qui permettra à 1 200 maires de parler d’une même voix pour qu’on les entende  ! Si nous sommes structurés, unis, organisés, il faudra bien à un moment qu’on nous demande notre avis avant de prendre des décisions… Quelle que soit la forme que prendra l’avenir, il est hors de question que nous passions sous la férule de quiconque. C’est pour cela que j’ai souhaité dans un premier temps le passage de Montpellier en Métropole et que je veux maintenant, à plus grande échelle, installer le pôle métropolitain. Il faut se structurer pour compter et pour peser. Nous sommes en train de bâtir le socle de notre territoire.
Ce pôle ne sera pas une instance administrative. Soit. Pour autant, comment fonctionnera-t-il ? 
L’idée est de donner rapidement de la chair à ce pôle métropolitain qui permettra aux 40 présidents de s’asseoir autour de la même table. Entre mars et avril 2015, nous allons commencer par créer une association de préfiguration et rédiger une charte qui définira les grandes orientations du pôle et les domaines de coopérations. A terme, plus tard, cette structure pourra évoluer vers un syndicat mixte. Mais nous n’allons rien brusquer.
Comment le Pôle travaillera-t-il ? Les Présidents se rencontrent-ils ?
C’est le but ! J’estime que nous devrons nous rencontrer au moins une fois par mois. J’ai trouvé l’endroit : la salle des États-du-
Languedoc du Château de Castries. Ce serait un beau symbole, non ? Et lorsque nous serons tous assis autour de la table, nous appliquerons un principe simple : un président, une voix.
C’est le mode de fonctionnement que vous avez instauré au sein de Montpellier Agglomération avec la Conférence des Maires…
Exactement. Avec les maires de la Métropole, nous avons voté un Pacte de Confiance qui pose, comme principe fondamental, l’égalité de vote entre nous. Au sein de la conférence des maires, où sont discutées en amont les grande décisions, chaque maire ne représente qu’une seule voix, le maire de Montpellier y compris. Personne ne compte plus qu’un autre. Nous respecterons aussi cette règle au sein de la Métropole. Il n’y a pas d’autres modes de fonctionnement possible pour appliquer la démocratie, les électeurs et le suffrage universel.
Donc, au sein du pôle, un maire égalera une voix ? 
Oui, chaque président d’agglomération représentera une voix au sein de ce que l’on pourra appeler la «conférence du territoire». Mais rappelons toutefois que ce pôle n’aura pas vocation à valider ou refuser les projets portés par les
agglomérations qui resteront souveraines… Nous nous exprimerons, au sein du pôle, sur des projets collaboratifs. La réunion mensuelle au Château de Castries, avec un ordre du jour, sera l’occasion de connecter les agglomérations entre elles sur des sujets précis pour que la force publique gagne en cohérence et en efficience. Je précise que lorsque nous créerons l’association de préfiguration, elle pourra être fermée (réservée exclusivement aux agglos) ou ouverte. Si on l’ouvre, nous aurons la possibilité d’y d’accueillir les Départements et la Région.
Le mode de fonctionnement de ce pôle Métropolitain devra être «apolitique». Franchement, est-ce possible ? Les élus de différents bords parviendront-ils à travailler ensemble ? L’unité ne volera-t-elle pas en éclat dès les premières élections venues ?
Je suis convaincu que les élus peuvent travailler ensemble sur des politiques de projets. Pour preuve, au sein de l’agglo, je travaille avec tout le monde. Actuellement, avec Jean-Luc Moudenc, maire UMP de Toulouse, nous travaillons également ensemble : dans l’intérêt général, nous recherchons les synergies à mettre en place entre nos deux métropoles. J’y crois d’autant plus que le pôle métropolitain sera à la fois une vraie instance de concertation mais aussi le représentant de la «république d’en bas», celle des élus locaux, des maires, des élus de terrain. Celle de la république légitime élue par le suffrage universel. Les présidents d’agglomération ne doivent pas perdre de vue une chose cruciale : les citoyens ne veulent plus de la politique des partis, ils veulent des élus qui servent de vrais projets. Au sein du pôle, ce travail collectif sera possible. Nous allons reprendre la démocratie par le bas.
Vous semblez particulièrement investi dans ce projet. La création de ce pôle métropolitain, est-ce aussi pour vous une sorte de « laboratoire » ? 
Je ne fais pas de politique politicienne. Je n’en ai pas besoin… Et oui : je suis indépendant, je ne dépends d’aucun parti, je suis libre ! Avec mon équipe, j’ai conquis l’une des plus grandes villes de France sans l’appui d’aucun parti : c’est un fait unique dans l’histoire des grandes villes de notre pays. Nous avons fait la campagne avec peu d’argent, nous n’avons pas acheté une seule voix. Nous les avons gagnées sur le terrain. Cette situation me donne aujourd’hui toute la légitimité pour aller voir les autres élus et leur dire «travaillons ensemble, parlons-nous»… Je ne suis pas sur qu’un élu étiquetté pourrait réussir cela… Alors, oui, je vis également ce projet de pôle métropolitain comme un laboratoire car c’en est un : un pôle de 40 agglomérations sur 4 départements, c’est unique en France.
Au-delà du projet en lui-même, on sent une volonté de faire de la politique différemment. Vous revenez aux fondamentaux ?
C’est très important les fondamentaux, dans la politique comme dans le sport. Je me suis impliqué dans cette démarche car je souhaite m’engager, et la population avec moi, sur une autre voie : faire de la politique autrement, écouter le monde réel… J’en reviens toujours aux fondamentaux, c’est-à-dire à l’essentiel : écouter les gens et répondre aux besoins du pays, faire mieux avec moins, gérer honnêtement l’argent public. Je m’y retrouve philosophiquement dans ce projet de pôle métropolitain : je me demande jusqu’où je peux arriver à mobiliser autour de moi avec ma façon d’être et de fonctionner.
Vous dites avoir été surpris par l’accueil très positif des maires et des présidents d’agglo. Montpellier ne fait donc plus peur ?
Montpellier ne fait plus peur, non. Outre leur accueil, je suis également surpris par la maturité politique des maires et des élus locaux que je rencontre. Ils ont compris que le temps des rivalités et des guerres de territoires, c’est fini. L’heure est à l’effort collectif, à l’efficience. Avec le pôle métropolitain et le choix du dialogue ouvert entre tous les présidents d’agglomération, on place clairement l’intérêt des territoires au-dessus des conceptions partisanes. On dépasse les étiquettes et les stratégies parisiennes. Non, Montpellier ne fait plus peur… Nous sommes passés dans une autre époque. A travers le pôle métropolitain, nous allons apporter de la cohérence et redonner de l’espoir.

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