samedi 28 novembre 2015

Interdiction du voile jugée valide par la Cour européenne des droits

Dans une décision préliminaire unanime rendue jeudi, la plus haute juridiction européenne en matière de droits de la personne a jugé valide l’interdiction prévue dans la législation française de porter le voile musulman.
Une citoyenne française contestait le non-renouvellement d’un contrat de son travail d’assistante sociale dans un centre hospitalier en raison de son refus de s’abstenir de porter le voile reflétant ses croyances religieuses.  Elle invoquait que cela contrevenait à la liberté de religion garantie dans la Convention européenne des droits.
Les autorités françaises considèrent le port du voile comme une manifestation ostentatoire de la religion incompatible avec l’obligation de neutralité des agents publics dans l’exercice de leurs fonctions.
L’État français se fonde sur le principe de laïcité, au sens de l’article 1 er de la Constitution française. Il invoque aussi le principe de neutralité qui en découle. Se fondant sur ces principes,  les tribunaux nationaux de France avaient estimé que la loi française visait à garantir le caractère laïc de l’État et de protéger ainsi les patients de l’hôpital de tout risque d’influence ou de partialité au nom de leur droit à leur propre liberté de conscience.
L’impératif de la protection des droits et liberté d’autrui, c’est-à-dire le respect de la religion de tous, a fondé la décision litigieuse.
La Cour européenne des droits de l’Homme, chargée de juger si une loi nationale d’Un État européen contrevient à la Convention européenne des droits a jugé que les autorités françaises n’ont pas outrepassé leur marge d’appréciation en constatant l’absence de conciliation possible entre les convictions religieuses de la plaignante et l’obligation de s’abstenir de les manifester, ainsi qu’en décidant de faire primer l’exigence de neutralité et d’impartialité de l’État.
Dans son arrêt rendu à l’unanimité, la Cour estime que l’interdiction prévue dans la loi française poursuivait pour l’essentiel le but légitime qu’est la protection des droits et libertés d’autrui.
La Cour retient qu’une telle loi vise une finalité de préserver le respect de toutes les croyances religieuses et orientations spirituelles des patients, usagers du service public et destinataires de l’exigence de neutralité imposée à la requérante, en leur assurant une stricte égalité.
La Cour ajoute que la loi veut assurer que les usagers des services publics tels des établissements de garde bénéficient d’une égalité de traitement sans distinction de religion. La Cour rappelle à cet égard qu’elle a considéré que la politique d’un employeur visant à promouvoir l’égalité des chances ou à éviter tout comportement discriminatoire à l’égard d’autrui poursuivait le but légitime de protéger les droits d’autrui.
Elle rappelle également que la sauvegarde du principe de laïcité constitue un objectif conforme aux valeurs sous-jacentes de la Convention européenne des droits.
Tous ces motifs amènent la Cour européenne des droits à conclure que l’interdiction prévue par la législation française interdisant à la requérante de manifester ses convictions religieuses dans l’exercice de ses fonctions poursuivait un objectif de protection « des droits et libertés d’autrui » et que cette restriction ne devait pas nécessairement être motivée, en plus, par des contraintes de « sécurité publique » ou de « protection de l’ordre » qui figurent dans la Convention européenne des droits et qui peuvent également justifier de telles limites à l’exercice de la liberté de religion.
En vertu de la Convention européenne des droits,  cet arrêt rendu le 26 novembre n’est pas définitif. Dans un délai de trois mois à compter de la date de son prononcé, toute partie peut demander le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre de la Cour. En pareil cas, un collège de cinq juges détermine si l’affaire mérite plus ample examen. Si tel est le cas, la Grande Chambre se saisira de l’affaire et rendra un arrêt définitif. Si la demande de renvoi est rejetée, l’arrêt de chambre deviendra définitif à la date de ce rejet !
S’il devait être confirmé, cet arrêt viendrait rappeler la place primordiale et significative de la loi de 1905  dans les conceptions des droits fondamentaux en l’Europe et particulièrement en France. 
Le sens et la portée des droits fondamentaux comme la liberté de religion peuvent en effet être appréciés de façon différente en fonction des sensibilités et autres références culturelles qui marquent forcément les raisonnements en vertu desquels sont analysés les droits des personnes.