vendredi 8 janvier 2016

Charlie un an après : du baume sur les plaies

Charlie un an après : du baume sur les plaies

  • Écrit par  Amélie Goursaud
  • vendredi 8 janvier 2016 16:23 
Un rassemblement s’est déroulé sur la place du Nombre d’Or, à Montpellier. photo a.G. Un rassemblement s’est déroulé sur la place du Nombre d’Or, à Montpellier. photo a.G. Journal La Marseillaise

Un hommage en présence des représentants de tous les cultes, de ceux des forces de l’ordre et d’un dessinateur était organisé jeudi à Montpellier à l’initiative du Club de la presse Languedoc-Roussillon.

Allez savoir quel savoureux dessin auraient croqué, de leur humour corrosif, ces athées irréductibles qu’étaient Cabu ou Wolinski en voyant se succéder à la tribune de l’hommage qui leur était rendu hier à Montpellier - ainsi qu’à toutes les victimes des attentats terroristes de janvier dernier - les représentants des différents les cultes. Eux qui toute leur vie de dessinateurs ont raillé par la satire les religions et leurs dérives auraient probablement trouvé que la situation ne manquait pas de sel.
Reste que ce rassemblement commémoratif organisé à l’initiative du Club de la presse Languedoc-Roussillon un an jour pour jour après la tuerie du 7 janvier, et à peine deux mois après une nouvelle série d’attentats meurtriers, a donné lieu à des paroles d’union et de paix qui, si elles ne les referment pas, mettent un peu de baume sur les plaies.
Présents aux côtés des représentants des cultes, ceux des forces de l’ordre également ciblées par l’aveuglement terroriste. « Je pense à notre République qui a été touchée tout au long de l’année 2015. Sa main n’a pas tremblé pour neutraliser ces assassins. Nous continuerons à travailler pour sa défense, nous resterons debout », promet Bruno Bartocetti, responsable régional du syndicat Unité-SGP de police.
« Dès le 11 janvier [date de la manifestation qui a rassemblé 100 000 personnes à Montpellier, Ndlr], tous les représentants des cultes ont défilé côte à côte, car il était important de lutter aussitôt contre les amalgames », souligne le grand rabbin de Montpellier, Isaac Benhamou. Une union qui, selon lui, « rappelle que le problème réside non pas dans les religions mais dans leur instrumentalisation. Ces terroristes ne servent pas une religion mais se servent d’une religion en l’interprétant à leur manière pour assouvir leurs pulsions barbares et macabres. Cela montre la responsabilité que nous avons tous, curés, pasteurs, imams et rabbins (...) Il nous revient de résister au repli communautaire, de provoquer des rencontres et débats avec les jeunes. C’est par cette stratégie que nous arriverons à lutter contre les intégristes et leur violence. »
«Ce que veulent ces gens c’est tuer»
Un message prolongé dans les interventions de Pierre-Marie Carré, archevêque de Montpellier et Driss El Moudni, président du conseil régional du culte musulman Languedoc-Roussillon. « Ce que veulent ces gens-là, c’est tuer. Mais surtout, ils veulent diviser le peuple français. Ils se trompent : les Français n’accepteront jamais que la France soit à genoux devant qui que ce soit », estime Driss El Moudni.
« Lorsque Dieu se tait, on peut lui faire dire n’importe quoi », cite pour sa part, à travers des mots empruntés à Sartre, la pasteure de l’église protestante unie de Montpellier, Titia Es Sbanti. « Dieu n’est enfermé dans rien, ni dans un édifice, ni dans une doctrine, ni dans un dessin. (...) Notre culture protestante nous a appris à tout désacraliser. Rien n’est sacré pour nous, parce que dès qu’on sacralise on enferme, on étouffe. Peut-être qu’on peut s’aider, avec des religions qui se sentent offensées, à se sentir moins blessées par des choses comme ça. Parce que ce qui blesse vraiment, c’est l’intolérance, la violence, le rejet de l’autre, la bêtise... »
Et puis le dessinateur de presse montpelliérain Gaston est venu jeter son pavé vivifiant dans la mare des grands sentiments. « J’ai l’impression qu’on a beaucoup entendu parler de dieu là, donc j’aimerais bien vous parler d’autre chose. » Quelque part, la bande à Charb se marre. Des mots pour décrire « un métier qui est un peu la 5ème roue du carrosse du journalisme », avant que les dessinateurs ne soient érigés, avec les attentats, « en espèces de héros, de martyrs ».
Vu de l'après-Charlie, « ça n’a pas changé grand chose pour les dessinateurs. C’est toujours un métier de pauvre. Il faut toujours faire des dessins marrants, corrosifs, sauf qu’en plus il faut faire un dessin où on ne va pas se faire buter, ou refouler car le politiquement correct a gagné du terrain. Ce qu’il s’est passé à Charlie n’a pas empêché Bolloré de flinguer les Guignols et je suis sûr qu’aujourd’hui, un Coluche n’aurait pas voix au chapitre. Finalement c’est devenu pire sauf qu’on ne regarde plus les dessinateurs comme des zazous sympathiques mais comme des espèces de symboles, de porte-crayons. » Pas besoin d’un dessin...
AMELIE GOURSAUD
Dernière modification le vendredi, 08 janvier 2016 16:31source : http://www.lamarseillaise.fr/herault/societe/45096-charlie-un-an-apres-du-baume-sur-les-plaies