dimanche 21 septembre 2014

Éric de Mongolfier - Sarkozy : une citrouille peut-elle se changer en carrosse ?


Pour son retour, Sarkozy a revêtu les habits du sauveur de la nation. Des habits que manifestement Éric de Montgolfier juge trop grands pour lui.

Nicolas Sarkozy, en juillet 2014, dénonce "l'acharnement" d'une justice "instrumentalisée".
Nicolas Sarkozy, en juillet 2014, dénonce "l'acharnement" d'une justice "instrumentalisée". © Capture TF1

Par ÉRIC DE MONGOLFIER

Bien pauvre paraît notre pays qui, se cherchant un sauveur, ne semble disposer d'autre ressource que d'ouvrir les vieux placards de la République. Il y a quelque chose de pathétique dans cette démarche, l'aveu d'une démocratie à bout de souffle qui ne trouve plus de femmes et d'hommes neufs pour assurer sa survie. À moins qu'elle ne révèle une confiscation du pouvoir par ceux qui l'exercent ou l'ont exercé et ne peuvent se résoudre à le perdre, moins encore à en être définitivement privés. Alors plus rien ne compte, surtout pas les échecs ; ils sont sublimés par de nouvelles promesses, non pas d'action, mais de renouveau personnel cette fois. Une manière de ne pas remettre réellement en cause des choix qui avaient montré leur faiblesse, voire leur inanité. Rien qui puisse sérieusement donner l'espoir. Juste les mêmes recettes confiées à un cuisinier doté d'un tablier neuf et qui pourraient révéler une autre saveur. Il y manquerait toujours l'humilité.
Car la maturité nouvelle qui nous est promise ne peut que susciter des interrogations. On ne peut s'en tirer en soutenant qu'il est un âge où plus rien ne peut changer. L'histoire a connu des chefs d'État libéraux devenus autoritaires sur le tard, quand les circonstances eurent cessé de leur être favorables. L'inverse serait-il possible ? Se peut-il que le passé cesse de répondre du présent et que la citrouille se change maintenant en carrosse ? Il conviendrait d'en être assuré avant de prendre un tel pari sur des capacités que le suffrage universel a tenues pour insuffisantes en 2012. Différents propos rapportés n'y incitent guère, notamment les réactions furieuses publiées lorsque, voici peu, l'institution judiciaire osa traiter un ancien président comme un citoyen ; celui-ci parut en concevoir plus que de l'aigreur et cela devrait alerter.

Plus de vertu, moins de tapage

La stratégie adoptée également. Au-delà des mots et des airs de chattemite, il y a quelque chose dans une telle mise en scène qui oblige à la circonspection. Pas seulement en raison du moment choisi, quand la tempête affecte gravement le pouvoir en place ; elle paraît offrir enfin l'occasion de se présenter comme l'ultime recours d'une nation qui ne sait plus à qui confier son destin. D'autres déjà l'ont tenté, sans bonheur pour leur patrie, et de tels exemples ne peuvent que doucher l'enthousiasme. Mais aussi parce que le projet affiché semble s'inscrire contre les règles posées par la "famille politique" supposée servir de cheval de Troie à cette ambition. Non sans raison, un possible concurrent s'en est ému. Il y aurait, dans le refus de s'y plier, l'indication d'une volonté qui n'aurait pas appris à se soumettre à d'autres, la démonstration que rien ne compte davantage que d'obtenir le pouvoir, même au prix du reniement.
Bien fade est notre démocratie qui, dans la tourmente, se refuse à des réformes profitables à la collectivité parce qu'elles nuiraient à des intérêts catégoriels, leur seule évocation conduisant dans la rue des professions qui y sont généralement peu portées. Elles affichent des craintes que leurs revenus peuvent rendre indécentes quand tant d'entre nous peinent à subsister, accablés par des discours insensés qui les désignent à l'opinion comme responsables du péril économique. 
Ainsi les égoïsmes ne cessent de s'exprimer, les mieux pourvus n'hésitant pas à exiger des sacrifices, prétendant en être épargnés. Il faudra plus qu'un homme pour les museler, serait-il de retour d'un exil où il aurait laissé les défauts qui l'y avaient réduit. Car on ne saurait conduire un pays vers son avenir en révérant le veau d'or, en flattant les peurs et les antagonismes, ni surtout en s'épargnant les contraintes qu'on impose aux autres ou en écartant ceux qui contrecarrent vos desseins. À tout cela il faut renoncer pour faire naître cette espérance dont nous avons tant besoin. Mais, cette fois-ci, des discours et des drapeaux n'y pourront suffire ; il y faudra plus de vertu que de tapage et un nouvel échec pourrait bien nous plonger dans le chaos. 
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