Retrouvez ici l'entretien accordé par Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche au journal Nice Matin paru le samedi 20 septembre 2014.
Que pensez-vous du retour de Nicolas Sarkozy et de l’annonce de sa candidature à l’UMP ?
C’est l’affaire de l’UMP et c’est sa responsabilité. Je me pose simplement 3 questions. Est-il ardemment espéré par les Français ? Est-il en situation d’incarner l’exemplarité qu’exige la crise politique et morale actuelle ? Est-il souhaitable que revienne celui qui a dirigé pendant 5 ans notre pays avec des conséquences que nous subissons encore aujourd’hui, notamment sur la dette ? Dans tout autre pays, ce retour semblerait surréaliste. Pour autant, la fin de l’insoutenable suspens de ce mauvais feuilleton va permettre de clarifier le débat public entre une gauche qui gouverne pour redresser le pays et une droite qui souhaite son échec pour lui administrer une potion ultra libérale.
Comment vous sentez-vous dans ce gouvernement très chahuté qui a obtenu devant l’Assemblée une confiance au rabais?
Le gouvernement a obtenu la confiance du Parlement pour poursuivre le redressement du pays et c’est l’essentiel. Face à la crise que traverse l’Europe et donc la France, il est normal qu’il y ait des interrogations. Le mérite de ce gouvernement est de ne pas tergiverser. Notre ligne a été réaffirmée par le président de la république et cette confiance nous permet d’être plus forts, notamment pour peser en Europe pour une stratégie de croissance.
Ne craignez-vous pas que les frondeurs de gauche et les écologistes pèsent toujours plus sur ce gouvernement?
Il y a une tradition de débats à gauche, mais aussi de rassemblement lorsque l’enjeu l’exige. Dans la période difficile que traverse le pays, je ne doute pas que cette exigence l’emportera, notamment lors de l’adoption du budget. Une politique économique ne produit jamais ses effets en quelques mois. Les résultats vont venir et il appartient à tous, gouvernement et parlementaires de la majorité, de tout faire pour que la gauche réussisse et fasse réussir le pays. Face au procès permanent en illégitimité de la droite, nous devons démontrer que la gauche aux responsabilités peut réussir dans la durée.
Pensez-vous que ceux qui vous ont élus il y a à peine deux ans comprennent les décisions politiques du gouvernement?
Il y a indéniablement un besoin de pédagogie autour de nos réformes. Nous devons expliquer que c’est pour introduire de la justice dans un pays miné par les inégalités, que nous avons depuis 2 ans bousculé certaines situations acquises. Que les efforts que nous avons demandés aux Français, et en particulier aux plus aisés, nous ont permis pas seulement de réduire les déficits mais aussi et surtout d’augmenter l’allocation versée aux familles monoparentales, de financer un plan de lutte contre la pauvreté ou encore de réinvestir dans l’école et dans nos entreprises. Dans sa conférence de presse, le Président de la République a mis en perspective toutes les décisions prises depuis deux ans et qui ne sont pas des politiques d’austérité. Mais ce ne sont pas non plus des politiques de facilité. Nous devons prendre nos responsabilités pour permettre à la France et à l’Europe de retrouver le chemin de la compétitivité et de la croissance.
Manuel Valls a déclaré que le FN est aux portes du pouvoir. Que fait le gouvernement face à cette éventualité?
La meilleure façon de détourner les Français du repli sur soi, de la peur des autres, c’est d’apporter des réponses à leurs préoccupations quotidiennes. C’est ce que nous faisons quand nous redonnons du pouvoir d’achat à ceux qui en manquent cruellement, ou quand nous remettons des postes pour lutter contre l’insécurité ou pour faire de l’école un levier de justice et d’égalité. Mais, à nouveau, il nous faut sans doute dire les choses davantage. Dire ce que nous faisons, mais aussi les valeurs qui nous portent, ces valeurs de la France qui doivent les rendre fiers.
Comment avez-vous réagi en apprenant que pour financer les rythmes scolaires, Christian Estrosi, maire de Nice, a décidé de mettre en vente la villa mise à la disposition du recteur?
Je préfère ne pas réagir aux provocations et rester sur les sujets qui intéressent les professeurs et les parents. Nous avons modifié l’organisation du temps scolaire avec une seule ambition : favoriser la réussite de tous les élèves. Parce que nous savons qu’une meilleure répartition des apprentissages tout au long de la semaine est propice à la réussite du plus grand nombre. Grâce à la mobilisation des services de l’Éducation nationale, des élus locaux et des parents qui ont dû réadapter leur temps, et je sais que c’est difficile, nous arrivons à mettre en place cette réforme. Reste maintenant à faire en sorte, avec les élus, que nous élevions et harmonisions la qualité des activités périscolaires car il s’agit de permettre au plus grand nombre d’enfants d’accéder à des activités artistiques, culturelles, sportives qui les enrichissent et les ouvrent sur le monde.
Comprenez-vous les griefs des élus et des familles sur le coût du temps périscolaire?
Nous avons prévu un fond d’amorçage financé par l’État destiné à aider toutes les communes qui mettent en œuvre les rythmes scolaires, pour un montant qui varie entre 50 et 150 euros par élève et par an. Ce montant est plus important dans les zones qui connaissent des difficultés parce que très rurales ou classées en zone sensible. Avant la réforme, les communes qui organisaient le temps périscolaire en assuraient seules le financement. Avec la réforme, l’État apporte une contribution qui mérite d’être soulignée.
Où en est le débat sur la théorie du genre?
La « théorie du genre » n’existe pas, c’est un chiffon rouge agité par quelques uns qui jouent sur les peurs au détriment de l’école. Ce que je veux et que nous avons annoncé avec mon prédécesseur Benoît Hamon, c’est un grand plan pour l’égalité entre les filles et les garçons. Depuis cet été, mon ministère est mobilisé pour mettre en œuvre ce plan partout sur le territoire. Il va se déployer grâce à la formation des enseignants et la création d’outils pédagogiques pour les aider en classe. On a avancé sereinement, loin des polémiques stériles. C’est un sujet important qui permettra d’offrir aux femmes et aux hommes de ce pays, la chance véritable d’être à égalité d’opportunités, une fois devenus adultes.
Le coût des études supérieures est très élevé. Comment aidez-vous les étudiants?
Depuis deux ans, nous avons augmenté les bourses étudiantes de 450 millions d’euros. Aujourd’hui, 30% des étudiants bénéficient d’une bourse. Un accompagnement très important comparé à un certain nombre de pays. Depuis que nous sommes en responsabilité, nous avons permis à 130000 étudiants de plus d’être bénéficiaires de bourses alors qu’ils ne l’étaient pas auparavant parce qu’on estimait qu’ils appartenaient à la classe moyenne. Nous avons déjà créé 10000 logements étudiants sur l’engagement pris d’en créer 40000 pendant le quinquennat. Nous avons également créé la caution locative étudiante, une formidable aide car les étudiants n’ont désormais plus à produire de caution. C’est l’État qui s’en charge et devient leur garant pour un logement dans le privé ou le public. Vous le voyez, l’Etat s’engage pour la réussite de tous les étudiants.
Les universités françaises sont toujours mal classées au niveau international. Avez-vous un plan pour rattraper ce retard?
Nous donnons aux universités françaises les moyens de fonctionner puisque nous avons décidé de créer 5000 emplois nouveaux. Déjà 2000 ont été mis en œuvre. Nous avons également fait un effort en améliorant le contenu des formations ce qui est également un facteur de réussite. Les établissements d’enseignement supérieur appartiennent désormais tous à des regroupements d’universités qui leur permettent de s’engager plus fortement dans une concurrence internationale. Enfin, nous travaillons aussi à un meilleur accompagnement des étudiants car beaucoup décrochent avant la licence. Nous souhaitons leur permettre d’accéder à des passerelles pour pouvoir changer de filière ou être mieux orientés.
Propos recueillis par André Fournon pour Nice Matin.