« Les deux tiers des échecs scolaires, c'est l'échec d'enfants d'immigrés. » Cette phrase de Claude Guéant, alors ministre de l’intérieur, lancée en 2011 à l’aube d’une campagne présidentielle, réactivait au fond, au-delà de l’instrumentalisation grossière de chiffres par ailleurs farfelus, une idée ancienne devenue un poncif : celle d’une scolarité en soi problématique des enfants d’immigrés. Depuis près de trente ans, cette question est devenue un quasi-lieu commun du discours politique. Elle a engendré une abondante littérature sans que les cadres conceptuels et historiques de ce « problème » ne soient jamais analysés.
Le recueil de textes inédits du grand sociologue de l’immigration Abdelmalek Sayad,L’École et les enfants de l’immigration, vient apporter une réflexion à la fois neuve et puissante sur la manière dont l’école accueille ces nouveaux publics. Datant d’une trentaine d’années (beaucoup sont issus des travaux de la commission Jacques Berque, travaux commandés par Jean-Pierre Chevènement sur la scolarisation des enfants d’immigrés), les textes de Sayad décédé en 1998 sont d’une saisissante acuité.
Le sociologue, proche de Pierre Bourdieu, avait fini par claquer la porte de cette commission, pressentant qu’il ne serait pas écouté. Dans ces textes, il prend soin de dénoncer avec vigueur une commande politique qui instaure un « Eux » et un « Nous », qui ethnicise les problèmes scolaires en occultant la dimension sociale, ou qui célèbre naïvement les « cultures d’origine » sans jamais s’interroger sur les processus discriminatoires au sein de l’institution scolaire.
Entretien avec le sociologue Smaïn Laacher qui a, au côté de Benoît Falaize, travaillé à l’édition commentée de ces textes inédits.
L'École et les enfants de l'immigration
Abdelmalek Sayad
édité et préfacé par Smaïn Laacher et Benoît Falaize
Le Seuil, 236 pages, 19,50 euros.
Abdelmalek Sayad
édité et préfacé par Smaïn Laacher et Benoît Falaize
Le Seuil, 236 pages, 19,50 euros.