mercredi 1 octobre 2014

Inondations à Montpellier : "On a évité le pire"

Inondations à Montpellier : "On a évité le pire"

Malgré un scénario catastrophe et des quantités de pluies exceptionnelles tombées lundi, on ne déplore aucun blessé. Explications. 

Le ciel s'est acharné sur Montpellier, lundi. Jusqu'à 300 litres au mètre carré en quelques heures ! Les cieux, eux, ont fait preuve d'une surprenante clémence : pas un blessé à déplorer. "On a évité le pire", proclame Freddy Vinet. Ce professeur de géographie à l'université Paul-Valéry de Montpellier, spécialiste de la prévention des risques, explique : "Les plus grosses cellules orageuses se trouvaient dans le Sud et l'Est de l'agglomération, pas dans le Nord. Sinon, l'eau aurait traversé toute la ville et aurait fait plus de dégâts en prenant de la vitesse. Il n'y a pas eu non plus ni vent violent de la mer empêchant l'eau de s'écouler ni ruptures de digues, à Lattes ou à la Mosson, phénomène capable de faire des victimes comme à Aramon (Gard) en 2008 ou à Cuxac-d'Aude en 1999."
Autre explication : les gens se sont précipités sur les routes avant le pic. "Il y a toujours une marge d'incertitude qu'il faut accepter, complète Freddy Vinet. La difficulté, c'est quand le préfet demande d'évacuer et que rien de dramatique ne se passe. Les gens peuvent lui en vouloir et risquent de ne plus lui obéir la fois prochaine. Mais il faut continuer. Ce genre d'événement, tous les cinq à dix ans, réveille les consciences et maintient la vigilance."

"Connaître la situation en temps réel"

Pour Philippe Saurel, maire de Montpellier, "connaître la situation en temps réel est un atout. Ma ville, comme des centaines d’autres, est pour cela affiliée à Prédict, société spécialisée dans la gestion de crise, filiale de Météo France, Airbus et BRL. Grâce à ce réseau d’informations sophistiquées (elle s’appuie sur des radars de Météo France, un système de vidéo surveillance et des sondes), on est informés en direct. On peut anticiper."
C’est ainsi que "nous avons ouvert le PC de crise à 15 h lundi, bien avant que le département ne soit en alerte rouge", précise Philippe Saurel. "On a pu se préparer à mobiliser nos 200 policiers municipaux et les services pour fermer des rues et ouvrir des lieux pour accueillir 600 personnes au Zénith, à l’Aréna et dans trois gymnases. Certes, on ne peut pas empêcher l’eau d’arriver, certes des automobilistes ont été piégés mais c’était dans des routes en pente. On a géré l’événement. Attention, je ne fais pas le malin. " Philippe Saurel précise qu’il y a "une “culture” de ce genre d’événement, fréquent, dans la région. Les gens sont prudents. Il ont une sorte de sagesse."
Le maire de Montpellier rappelle enfin qu’au chapitre prévention des inondations, "48 M€ ont été investis par l’agglo, l’État et la commune de Lattes depuis 2006, pour domestiquer le Lez et améliorer la protection et les digues". Lattes est ainsi protégée jusqu’à concurrence de 1200 m3 par seconde. Le débit était lundi de 350 m3/s. D’ici 2020, le bassin de la Mosson sera aussi protégé de digues pour 10 M €, selon Christian Fina, directeur des services.

Une prise de conscience des risques depuis les inondations de Nîmes en 1988

Dans la région, il établit "la première prise de conscience" lors des inondations de Nîmes en 1988 (11 morts) et de Vaison-la-Romaine en 1992. "Tout a bien fonctionné, notamment les dispositifs d'alerte", a confié Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur. Alix Roumagnac, ne dit pas autre chose. Le patron de Predict observe aussi un "changement d'attitude. Les gens laissent volontiers leurs enfants à l'école pour ne mettre la vie de personne en danger dans un passage à gué. Les messages de prévention commencent à passer."
"C'est une chance énorme de ne pas avoir eu de victimes" , note Frédéric Decker, météorologue à Météo News. "Avec une ville deux fois plus grande qu'il y a 50 ans, les dégâts seront importants. Montpellier a été touchée par un phénomène rare amplifié par le ruissellement sur des sols bitumés et le peu de vent. Mais on ne peut pas parler de dérèglement climatique." Une Méditerranée encore chaude et les premières impulsions d'air frais automnal en altitude ont formé des orages se régénérant sur place, car bloqués par l'anticyclone des Balkans. Frédéric Decker rend ainsi "hommage aux élus qui ont pris les bonnes décisions au bon moment".
À Saint-Pargoire, le miracle était aussi au rendez-vous. Marion, raconte au micro d'ITélé, emportée dans sa voiture : "J'ai cru que j'allais mourir". Franck Cruveiller, lui, a eu un sacré sang-froid, toujours à Saint-Pargoire lundi matin. Coincé dans son véhicule, cet architecte a dû sortir par la vitre de sa voiture, in extremis. Peu après, elle a été "engloutie sous deux mètres d'eau".

Des pluies qui rentrent dans l'histoire climatique locale 

Mauguio, Lattes, Pérols, l'extrême sud de Montpellier d'un côté, le secteur de Saint-Pargoire, Montarnaud, le Pouget de l'autre : Roland Mazurie, chef du centre Météo France à Montpellier, distingue deux grosses zones d'impact, lundi, avec "des valeurs exceptionnelles qui resteront dans l'histoire climatique locale". A l'aéroport de Fréjorgues, "300 mm (1) sont tombés en vingt-quatre heures, dont 252 mm en trois heures, de l'inédit pour la zone montpelliéraine", indique Roland Mazurie. Un record pour Montpllier avec celui du 22 septembre 2003 où à peu près la même quantité était tombée. Conséquence de l'évolution climatique ? "Nul ne le sait. Peut-être que oui, certains modèles prévoient plus d'intensité pluvieuse dans les phénomènes extrêmes de nos régions à l'avenir, c'est une possibilité", admet le météorologue. Ou "peut-être qu'il s'agit juste d'un hasard dans le développement aléatoire d'une perturbation active de Méditerranée". Sans préjuger de l'avenir, c'en est fini jusqu'au week-end. Roland Mazurie prédit "du beau temps, comme en arrière-saison".
(1) 300 mm d'eau correspondent à 300 litres tombés par m2. Un mois d'automne “classique”, il tombe entre 70 mm et 90 mm d'eau.

OLIVIER SCHLAMA in Midi Libre