jeudi 31 mars 2016

Coupable de penser

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Kamel Daoud, écrivain et journaliste

A-t-on le droit de penser l’islam en dehors des catégories du catéchisme islamo-gaucho-multiculturaliste?

Rien n’est plus révélateur de notre époque, en condensé, que la controverse entourant Kamel Daoud. Vingt chroniques ne suffiraient pas à la résumer.
Algérien, longtemps chroniqueur au Quotidien d’Oran, Daoud est l’auteur d’un formidable roman, Meursault, contre-enquête­­, Prix Goncourt 2015 du premier roman, qui reprend à l’envers, du point de vue de l’Arabe, le célèbre roman d’Albert­­ Camus, L’Étranger (1942).
En 2014, une fatwa est prononcée contre lui pour avoir, selon un imam condamné depuis par les autorités algériennes, «mis le Coran en doute».
Puis, dans la nuit du Nouvel An 2016, surviennent les agressions de Cologne­­. Dans Le Monde du 31 janvier, Daoud revient sur les événements, mais propose aussi une interprétation plus large des malheurs du monde musulman.
Asservissement
Tant que la femme y sera asservie, écrit Daoud, le monde arabomusulman s’enfoncera dans la violence, le non-développement et les fantasmes. C’est pour lui la clé de toute l’affaire.
Sur la conception dominante, pas la seule, de la femme dans le monde arabe, Daoud écrit:
«À qui appartient le corps de la femme? À sa nation, sa famille, son mari, son frère aîné, son quartier, les enfants de son quartier, son père, et à l’État, la rue, ses ancêtres, sa culture nationale, ses interdits. À tous et à tout le monde, sauf à elle-même.»
L’islamiste, lui, va encore plus loin:
«L’islamiste n’aime pas la vie. Pour lui, il s’agit d’une perte de temps avant l’éternité, d’une tentation, d’une fécondation inutile, d’un éloignement de Dieu et du ciel et d’un retard sur le rendez-vous de l’éternité. La vie est le produit d’une désobéissance et cette désobéissance est le produit d’une femme.»
Sur la problématique des migrants, Daoud écrit:
«En Occident, le réfugié ou l’immigré sauvera son corps, mais il ne va pas négocier sa culture avec autant de facilité. (...) Les adoptions collectives ont ceci de naïf qu’elles se limitent à la bureaucratie et se dédouanent par la charité.»
Fatwa
A-t-on le droit de penser l’islam en dehors des catégories du catéchisme islamo-gaucho-multiculturaliste? Apparem­ment, non, car une deuxième fatwa s’est abattue sur Daoud, gracieuseté cette fois d’un collectif­­ d’universitaires, dans Le Monde du 11 février.
Pour eux, vous l’aurez deviné, Daoud est coupable de la faute suprême­­: une «islamophobie» qui fait le jeu de l’extrême droite. Comme ce sont des universitaires, ils ne sauraient être motivés, n’est-ce pas, que par la rigueur et l’objectivité.
Daoud avait écrit: « Il faut offrir l’asile au corps, mais aussi convain­cre l’âme de changer.»
Ces gens ripostent: «C’est ainsi bien un projet disciplinaire, aux visées à la fois culturelles et psychologiques, qui se dessine. Des valeurs doivent être “imposées” à cette masse malade, à commencer par le respect des femmes. Ce projet est scandaleux (...)».
On a bien lu: il est «scandaleux» et «disciplinaire» de poser comme non négociable le respect des femmes. Ce serait affirmer, écrivent-ils plus loin, «la supériorité des valeurs occidentales­­».
Je l’ai écrit mille fois: le danger ne vient pas que de l’ennemi, mais aussi de ce qu’il y a dans les têtes de certains des nôtres.

JOSEPH FACAL
source : Le journal de montreal