Avec Wassyla Tamzali à Montpellier
Je récuse l’idée qu’il faudrait porter le voile pour être une bonne musulmane. Je récuse l’idée qu’il permettrait d’être plus libre et plus respectée - c’est un piège. Je dénonce l’instrumentalisation de ces femmes par les partis politiques intégristes qui ont bien compris l’impact médiatique d’une "voilée" à la télévision. Ne nous y trompons pas, elles leur servent de caution. Elles ne représentent pas l’islam et les musulmans.
Le voile signifie beaucoup de choses, mais ce qu’il signifie le moins, c’est un acte de foi spirituel. La première des raisons pour lesquelles des jeunes femmes le portent aujourd’hui en France est politique, et c’est la plus dangereuse. Ce voile ostentatoire cache des positions idéologiques réactionnaires : contre l’émancipation des femmes, contre la libération des individus, contre les autres cultures.
La seconde est sans doute identitaire. Mais l’on sait bien que, quand on commence à parler d’identité, on parle toujours de ses pathologies. L’émergence du voile serait comme un pic de cette maladie. L’expression de la difficulté qu’éprouve la jeune génération à s’accepter comme Français avec, dans l’inconscient, le poids des relations passées entre la France et le pays de leurs parents.
Mais arrêtons là avec les questions existentielles : nous sommes face à un problème politique. C’est de la cohésion de notre société qu’il s’agit. La frilosité collective face à ce problème me fait l’effet d’un racisme à l’envers ! Sur une question aussi grave que l’avortement, est-ce que le gouvernement a fait semblant d’écouter les cathos intégristes ? Non, il a été ferme sur sa position. Pourquoi ne le serait-il pas sur l’interdiction du voile à l’école, afin de garantir aux filles l’égalité des chances devant l’éducation ?
Alors vous, les hommes politiques, ne jouez pas avec le feu ! Veillez au respect des lois françaises. Lutter contre le voile à l’école ou sur la carte d’identité, ce n’est pas attaquer la religion. Le défendre, en revanche, c’est remettre en question l’égalité des hommes et des femmes. Un proverbe dit qu’en cas de grand danger le chemin du milieu mène droit à la mort. Autrement dit, si on commence à négocier, nous sommes fichus !
Propos recueillis par Marie Lemonnier, Le Nouvel Observateur, 15 mai 2003, n°2010 - Dossier.
Wassila Tamzali est avocate, présidente du Forum des Femmes de la Méditerranée-Algérie, ex-directrice du Programme pour la Promotion des Femmes à l’Unesco.
Par Wassyla Tamzali, avocate et auteure féministe