lundi 29 août 2016

L'été pourri des islamistes

AFP / Fethi Belaid / Delil Souleiman


Cet été, il ne faisait pas bon s’attaquer aux fanatiques de l’islam. Ceux qui s’y sont essayés en ont fait les frais.

1/ En France tout d’abord

Par un magistral tour de passe-passe, les promoteurs de l’islam radical et tous leurs idiots utiles dans la classe politique et médiatique ont réussi à transformer Nice, ville martyre de la tuerie islamiste du 14 juillet en ville bourreau stigmatisant les femmes musulmanes en burkini. Et nous voilà une fois de plus, au nom de la liberté, piégés par les ennemis de la liberté. Les doigts de pieds en éventail, en short et torse nu, on voit des hommes « meurtris » et « stigmatisés » parce que leurs femmes habillées de pied en cap, foulardées et burkinisées ne pourraient pas jouir librement de la plage. Parce qu’elles sont « pudiques et réservées » nous expliquent-elles devant les caméras et micros qui ont envahi les plages comme les puces de sable par grand beau temps.
Beaucoup plus scandaleux pour ces pauvres pères de familles victimes de la République arrogante et liberticide : en privant les femmes islamiques de plage, on en prive leurs enfants. Car évidemment cela ne viendrait pas à l’idée des maris offensés qu’ils pourraient, eux-mêmes, s’occuper des enfants, faire des pâtés, les emmener se baigner et leur courir après pour leur appliquer la crème solaire. Ça c’est bon pour les hommes mécréants mais sûrement pas pour les pieux salafistes.
On nous assure que c’est une chance pour ces femmes car sinon elles ne pourraient pas du tout aller à la plage. Bien sûr ! Comme c’était une chance pour les Noirs d’avoir des bus réservés pour eux à l’époque de la ségrégation aux États-Unis, car sinon ils auraient dû aller à pieds !
On voudrait en rire, mais disons-le honnêtement, on rit aigre.
A Sisco, en Corse, les intégristes tentaient d’imposer une expérience communautariste inédite : la plage privatisée pour les musulmans rigoristes. Ça aurait pu marcher. On aurait petit à petit validé, au nom de la tolérance molle qui a remplacé si souvent dans la tête de nos concitoyens le principe de laïcité, que cette plage était la leur. Et que celles qui veulent se baigner en maillot de bain doivent être compréhensives et accepter d’aller poser leurs fesses ailleurs… Manque de chance, les Corses qu’on a immédiatement caricaturés en racistes congénitaux, n’ont pas supporté qu’on leur restreigne l’accès de la plage (rappelons que peu avant l’altercation, une touriste étrangère faisant du topless en avait été chassée). Ont-ils le sang chaud (pour continuer dans les poncifs) ou bien pensent-ils naïvement que ce qui constitue notre façon de vivre n’a pas de raison de changer pour satisfaire quelques extrémistes ?
Le racisme n’est, hélas, pas absent de ce débat. Mais il se situe d’abord du côté de ceux qui essentialisent la femme et pensent que sa culture d’origine doit prédominer sur les lois de la République. Pour preuve cette façon choquante de parler des « femmes musulmanes privées de plage » lorsqu’on évoque cette polémique. Comme si les femmes musulmanes en France se conformaient toutes à ces prescriptions vestimentaires islamistes ou en étaient solidaires. Triste débat. Comment dire et redire que « la femme musulmane » comme un bloc homogène n’existe pas. Qu’elle est un fantasme raciste dans la tête de ceux qui se piquent de la défendre et l’assujettissent à sa communauté d’origine.
Même si elle risque d’alimenter longtemps la chronique présidentielle, la bataille du burkini est perdue d’avance pour les anti-islamistes. L’interdire c’est s’engager dans des batailles juridiques à double tranchant et donner des victoires aux islamistes comme avec l’invalidation du Conseil d’Etat des arrêtés municipaux anti-burkini. L’autoriser c’est laisser le grignotage permanent de l’espace public par les mœurs salafistes et communautaristes continuer de progresser, comme il le fait depuis 20 ans. La bataille est perdue dans les deux cas. L’urgence est donc de s’attaquer politiquement aux salafistes, à leur message, à leurs financements, à leurs réseaux et de défendre bec et ongles la laïcité et la République qui rappelons-le, défend aussi la majorité des musulmans contre la prise de pouvoir d’un islamisme rétrograde, anti-égalitaire et liberticide. Les petits accommodements mous se font toujours au profit des plus agressifs et des plus radicaux contre les plus tolérants.

2/ En Syrie, ensuite

Musulmans sunnites mais anti-islamistes, ni à la solde de Assad (dont ils sont les alliés objectifs) ni à celle des Russes ou des pays du Golfe, les Kurdes combattent depuis la première heure l’État islamique en Syrie et sont la seule force locale capable de les contenir et de les faire reculer.
Pour les remercier, la coalition est en train de fermer les yeux devant la toute récente offensive du président turc Erdogan qui vient pour la première fois depuis cinq ans d’engager ses troupes au sol. Pour bouter les islamistes hors de Jarabulus, comme il nous l’a assuré ? Pas du tout. Pour empêcher les Kurdes de progresser dans leurs combats contre l’État islamique et de gagner du terrain. Pour leur couper la route et les prendre à revers. Les bombarder, les pilonner et si possible les mettre militairement hors d’état de nuire.
Erdogan se fiche éperdument de combattre Daech. Islamiste convaincu lui-même, la présence d’un État syrien sunnite et islamiste à sa frontière ne serait pas forcément pour lui déplaire. Les Kurdes en revanche voilà le problème. Après s’être honteusement servi de l’opportune tentative de « coup d’état » en juillet dernier pour remplir les prisons de tous ses « ennemis » au sein de la classe politique, de l’administration et des médias, Erdogan lance son offensive militaire pour régler leur compte aux Kurdes de Syrie, proches du PKK de Turquie. « Nous irons en Syrie pour combattre tous les terroristes », clame-t-il. Et dans son esprit, les terroristes ce sont d’abord les Kurdes qu’il poursuit sans relâche en Turquie et dont il redoute la présence au sein d’une région autonome à ses frontières.
A-t-on entendu des voix pour défendre ces Kurdes aux avant-postes du combat contre notre ennemi commun l’État islamique ? Non. La Russie récemment rabibochée avec la Turquie laisse faire et attend de voir. Les Américains, qui ne veulent pas laisser l’avantage aux Russes vis-à-vis de la Turquie, sont en train de lâcher les Kurdes, leur allié historique sur le terrain pour se rapprocher d’Erdogan. L’Europe a trop besoin de la Turquie pour accueillir les réfugiés et se garde bien de fâcher le sultan d’Ankara. Elle préfère regarder ailleurs.
L’histoire risque de se répéter une fois de plus tragiquement pour les Kurdes de Syrie et de Turquie. Et les différentes forces locales qui se font face en Syrie, qu’elles soient pour ou contre le régime, ont en commun de ne pas voir d’un très bon l’œil l’installation d’une région autonome kurde en leur sein. Leur affaiblissement ne serait pas pour leur déplaire.
Quant à la France qui a toujours posé ses pieds dans les pieds des Américains en Syrie, gageons qu’elle sera bien trop occupée par la question du burkini pour avoir une position courageuse envers les Kurdes, qu’elle lâchera s’il le faut sans état d’âme. Nos grandes consciences morales prendront-elles position pour défendre les Kurdes comme elles l’ont souvent fait en France ? On l’espère. Mais on s’interroge. Les Kurdes ? Ces musulmans non-intégristes dont les femmes combattent à l’instar des hommes et qui veulent chasser le péril islamiste ? A-t-on vraiment envie de s’engager pour eux ?
Ici les bien-pensants préfèrent protéger les femmes pudiques en burkini, odieusement traquées par les universalistes laïcs et racistes. On ne peut pas être sur tous les fronts.
(Photo : AFP / Fethi Belaid / Delil Souleiman)
source ; Revue des deux mondes