mardi 16 décembre 2014

Hollande et l'immigration : la gauche peut gagner la bataille des idées. Voici comment


LE PLUS. Ouvert depuis sept ans, le musée de l'immigration a enfin été inauguré par un président. François Hollande a profité de cete visite pour fustiger les propos de la peur entretenus par ceux "qui rêvent d'une France en petit". Un discours sur l'immigration à la hauteur des enjeux ? Par Mehdi Mahammedi-Bouzina et Mehdi Thomas Allal, du think tank Terra Nova, proche du PS.

Édité et parrainé par Sébastien Billard
François Hollande au musée de l'immigration, le 15 décembre 2014 (Y. VALAT/AFP).

Depuis la fin des "Trente glorieuses", la thématique de l’immigration est l’objet de vives polémiques ne permettant pas d’aborder cette question de manière sereine. Le plus souvent, l’immigration est brandie par une partie de la droite et de l’extrême droite comme un épouvantail, et plus seulement en période électorale.

Face à cela, surtout depuis la défaite de 2002, la gauche gouvernementale hésite entre sa doctrine traditionnelle d’ouverture à l’égard des migrants et la nécessité d’éviter l’accusation de "laxisme". La gauche, et surtout la France, ont pourtant tout à gagner d’un rapport apaisé à l’immigration.

Plus généralement, quel discours la gauche doit-t-elle tenir sur ce sujet ?

Découpler la question de l’immigration de celle de l’islam

Tout d’abord, il est nécessaire de mener le combat culturel en effectuant un travail de pédagogie et de destruction des stéréotypes et des poncifs trop largement répandus sur l’immigration. Rappelons sans cesse que l’islam ne menace pas la République et qu’une majorité de musulmans souhaitent vivre leur foi dans l’indifférence la plus banale.

Découplons ensuite la question de l’immigration de celle de l’islam, qui est une religion aujourd’hui majoritairement pratiquée par des citoyens de nationalité française et non par des immigrés.

Expliquons que la majorité des flux migratoires concernent les pays du sud entre eux et non pas des trajets sud/nord. Apaisons en rappelant que l’emploi n’est pas un gâteau de taille fixe et qu’ainsi, le nombre d’immigrés, à condition qu’ils soient intégrés, n’influe pas le taux de chômage d’un pays.

L’immigration doit aussi être replacée dans un contexte plus large. Le développement économique et la stabilisation politique des pays asiatiques et africains sont les clés qui permettront de diminuer les migrations forcées.

Face à cela, la droite et l’extrême droite, qui tentent de faire croire qu’en se barricadant, sans tenir compte des équilibres économiques mondiaux, on évitera toute migration subie, doivent être énergiquement renvoyées face à cette contradiction.

Le droit de vote des étrangers, une urgence

Ensuite, il faut rappeler que dans une économie globalisée, où les capitaux et les marchandises circulent, il est illusoire et inhumain de s’opposer à la circulation des hommes.

Bien sûr, comme la gauche prétend réguler la circulation des capitaux et des marchandises, elle doit également prétendre réguler la circulation des êtres humains, dans l’intérêt de ceux-ci. L’immigration sud/nord est aussi une perte de main d’œuvre qualifiée pour les pays d’émigration.

Enfin, il est nécessaire de porter un corpus de propositions concrètes pour démontrer que les principes que nous portons ont des traductions concrètes.

Le droit de vote des étrangers aux élections locales facilitera l’intégration progressive de ces populations sur notre territoire. L’accélération des procédures de demande d’asile pour trancher favorablement ou non la demande et permettre aux demandeurs d’être fixés rapidement sur leur sort et ainsi éviter de sombrer dans la précarité, constitue également à nos yeux une urgence. 

L’augmentation significative du nombre d’étudiants étrangers serait une mesure salutaire, car il va de l’intérêt de la France de former les élites des autres pays.

Regagner la bataille idéologique

Dans son discours lundi à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI), le président de la République a également promis la naturalisation automatique pour tous les étrangers âgés de plus de 65 ans et qui ont vécu plus de 25 ans en France…

Bref, autant de chantiers que la gauche doit porter d’ici la fin du quinquennat, et dans certains desquels elle s’est d’ailleurs déjà engagée. Si une révision constitutionnelle est nécessaire, il ne faudra plus se masquer derrière l’impossibilité de disposer des 3/5e du Congrès.

La bataille idéologique et culturelle a commencé et il faut aller chercher les voix une par une ! Il en va de la crédibilité du gouvernement, il en va du sentiment de confiance à l’égard des promesses de nos dirigeants politiques.

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