lundi 29 décembre 2014

L'extrême droite s'enracine dans l'Hérault et le Gard

Robert Ménard : après la crèche de la Nativité, Hanouka la fête juive pour enterrer la laïcité. (AFP)Robert Ménard : après la crèche de la Nativité, Hanouka la fête juive pour enterrer la laïcité. (AFP) AFP - AFP - 

Rétrospective. L'élection de Robert Ménard et la progression du Front national dans le Gard, sont les faits marquants de l'année politique. A Béziers provocations politiques et idéologiques se sont succédé.

Qui aurait dit que le trotskiste soixante-huitard passé au PS de l’après congrès d’Epinay, deviendrait un jour l’homme politique vedette non seulement de la ville dont il est devenu le maire mais encore des médias en mal de bons clients polémistes ? Pas un de ceux qui aujourd’hui constatent le chemin parcouru depuis le 30 mars par Robert Ménard.
Un chemin politique. Elu grâce au FN et à un cartel de partis d’extrême droite, celui qui n’hésite pas à se proclamer l’ami de Jean-Marie Le Pen, a toujours insisté sur le fait qu’il n’était pas membre du parti bleu marine. C’est cependant sur l’idée qui a partout fait exploser le score du FN qu’il a fait son élection. Béziers sinistrée jusque dans son cœur de ville, dégoûtée d’une politique droitière en échec patent, a cru porter au pouvoir un homme neuf et différent. En tout cas 44% de ceux qui se sont déplacés pour voter ont aimé l’homme qui écrivait sur un blog alors confidentiel : « Les paraboles punaisent les façades d’immeubles occupés par des pauvres, des Maghrébins, des gitans. Les bourgeois ont fui. Les Biterrois ne reconnaissent plus leur ville. »
Installé à l’Hôtel de Ville, il aurait pu faire profil bas, montrer qu’il était un maire comme un autre. Rien de tout cela. L’idéologie d’extrême droite la plus dure - à coups d’arrêtés anti-pauvres qu’ils soient ou pas Maghrébins - s’est insinuée dans les actes municipaux comme les personnages identitaires ont envahi son cabinet.

Provocations en séries
Il aurait sans doute pu en être autrement car Robert Ménard avait approché des personnalités beaucoup plus républicaines (dont le journaliste Michel Cardoze), mais son entourage a vite redressé la barre. On a ainsi découvert un Ménard proche des catholiques intégristes, ne conservant qu’un seul des caractères de sa jeunesse : la provocation.
Provocation que cette rue du 19 mars rebaptisée du nom d’un putschiste de l’OAS, provocation que cette crèche de la Nativité installée au cœur de l’Hôtel de Ville, provocation encore quand, bafouant deux fois la loi de laïcité, il célèbre la fête juive d’Hanouka à la mairie. Mais surtout instillation d'une pensée maurassienne qui veut faire du catholicisme la religion officielle.
Comment est acceptée cette politique en ville ? Ses électeurs apprécient la voiture de police qui stationne sur les allées Paul-Riquet et la propreté retrouvée de la passejada. On ne compte plus les reportages qui l'assènent, car les caméras ne se sont pas déplacées deux rues plus loin, pour voir que rien n’a vraiment changé mais que Ménard a appliqué la recette de ses amis du FN : tout porter sur l’hyper centre. Beaucoup de ceux qui n’ont pas voté pour lui ont par ailleurs fini par faire contre mauvaise fortune bon cœur : les associations en particulier obligées d’animer les allées en échange de subventions ou le CCAS dont la subvention a été sabrée de 10%.

Echecs et réussites médiatiques
En revanche cette politique clivante a mis un terme à pas mal de ses ambitions. La première fut son échec à l’Agglo le 17 avril pour n’avoir pas été capable d’unir des maires qui idéologiquement ne lui étaient pas forcément hostiles. Il a eu beau menacer de quitter Béziers Méditerranée, soulever de prétendues irrégularités lors de l’élection de Frédéric Lacas (SE) à la présidence, rien n’y fit. Même chose à l'hôpital où la présidence lui a échappé. D'autres échecs ont marqué l'année : la blouse des écoliers restée dans les cartons et ce linge qui sèche toujours aux fenêtres.
Si son refus des 300 emplois d’Orchestra a pu en décembre surprendre une ville où le chômage touche 16% de la population, s'il fait preuve d'un certain amateurisme en matière économique, il ne faut pas croire que l’affaire de la crèche a durablement compromis sa popularité. Même s’il a déposé Jésus près de l’âne, il persiste à dire que c’est une tradition culturelle et nombreux sont ceux qui y voient avec plaisir un combat contre l’islam. Les conférences d’un Zemmour ou d'un Renaud Camus, apôtre du grand remplacement, à qui il a fait voter une subvention de 25 000 euros, ont fait salle pleine. Et la justice qui est toujours le reflet de l’atmosphère ambiante a préféré attendre, donnant l’impression que Ménard avait gagné. Ce qui n’est pas tout à fait faux. Il espère d’ailleurs beaucoup des élections départementales. Un seul de ses adversaires politiques a pris de l’envergure en 2014 car il l’affronte sans relâche, c’est Aimé Couquet (PCF). Elie Aboud (UMP) au contraire se prend régulièrement les pieds dans son idéologie élastique.
Comment cela se traduira-t-il en 2015 ? Il y a longtemps qu’on ne fait plus de pronostics à Béziers.
Annie Menras
http://www.lamarseillaise.fr/herault-du-jour/