lundi 6 octobre 2014

Me Henri Leclerc : « La bêtise est une faute politique grave »

"Ces arrêtés sont des rodomontades pour montrer son pouvoir." (Photo DR)"Ces arrêtés sont des rodomontades pour montrer son pouvoir." (Photo DR) 

Le célèbre avocat est l'invité ce vendredi 10 octobre de la Ligue des droits de l'Homme, qui organise à Béziers un colloque sur les conséquences de l'élection de maires et de conseillers d'extrême droite.

Henri Leclerc, président d'honneur de la Ligue des droits de l'Homme, est à Béziers vendredi. Invité par le comité régional Languedoc-Roussillon de la Ligue des droits de l'Homme, le célèbre avocat y participera à un colloque aux côtés de André Déchot, responsable du groupe de travail national « extrêmes droites » de la LDH. Le débat portera sur les enjeux de l'élection de maires et de conseillers municipaux appartenant à des partis ou des mouvements d'extrême droite. Le thème en est : « À Béziers comme ailleurs, défendre l'accès aux Droits, reconstruire des solidarités ».
Henri Leclerc, avocat depuis 1956, a accompagné le mouvement social, aux côtés des paysans travailleurs, des mineurs de fond, de la CFDT, des militants luttant pour l'amélioration des conditions de détention, des tenants d'une presse indépendante.
Entretien.

Les municipalités d'extrême droite élues en avril ont été assez discrètes. Qu'est-ce qui, dans leurs actions, est révélateur, selon vous, de l'idéologie d'extrême droite ?
Dans la situation actuelle, les municipalités d'extrême droite ont deux stratégies. Certaines ont été très immédiatement agressives et d'autres attendent. C'est encore un peu tôt pour tirer un bilan. La seule chose qu'on peut dire c'est qu'on constate un certain nombre de dispositions qui sont scandaleuses.
Par exemple les arrêtés anti-crachats, ou interdisant le linge aux fenêtres de Robert Ménard à Béziers ?
L'interdiction des crachats c'est une bêtise. Prendre un arrêté interdisant les crachats pour montrer son pouvoir et qu'on est un homme propre, c'est je le répète surtout un peu bête. Mais attention, la bêtise, c'est une faute politique grave. L'interdiction du linge aux fenêtres c'est encore pire, parce c'est anti-pauvre. C'est en outre une tradition méridionale. Tous ces arrêtés sont des rodomontades pour montrer son pouvoir et clamer qu'on veut une ville propre débarrassée des pratiques de pauvres. Évidemment les PDG ne crachent pas dans la rue...
Cela dit, il y a beaucoup de maires, y compris Georges Frêche à Montpellier, qui ont pris des arrêtés anti-mendicité qui ne sont pas très éloignés des arrêtés de Béziers...
Mais bien sûr, un certain nombre de municipalités y compris de gauche ont pris ces arrêtés pour se faire bien voir des classes moyennes. Cela dit je pense que la fermeture du local de la Ligue des droits de l'Homme à Hénin-Beaumont est plus scandaleuse.
Peut-être pas d'un point de vue idéologique ?
Je suis d'accord avec vous. Ces comportements veulent montrer la force d'un maire, ce sont des postures déplorables. Le problème est aussi de savoir si ce ne sont pas des ballons d'essai pour aller plus loin ensuite.
Ne pensez-vous pas que les idées développées par le FN révèlent qu'une certaine partie de la société est prête à les accepter et que distillées petit à petit elles sont en train de gagner la partie ?
Il faudra voir dans quelques temps, pour le moment, on ne sait pas quel est l'effet de contagion que peuvent avoir des décisions comme celle-là. Dans l'esprit du maire de Béziers en tout cas, il y a cette volonté de contagion et surtout la volonté d'acquérir des galons de "maire propre". Mais il faut attendre pour voir car ces arrêtés sont peut-être un peu trop excessifs.
Au-delà de Béziers, quels sont d'après-vous les risques que présente l'extrême droite ?
Le risque c'est une prise de pouvoir. Et actuellement compte tenu d'un certain nombre de conceptions en particulier sur les étrangers, que certes, Marine Le Pen, ne met plus en avant que de façon modérée, c'est tout à fait préoccupant. Il y a également cette volonté d'isolement de la France qui est tout à fait rétrograde et dangereuse, du domaine d'un nationalisme étroit qui est très inquiétant.
Ca vous fait penser aux années 30 au moment de la montée de l'extrême droite en Europe ?
Oui mais les choses ne sont pas exactement les mêmes. Nous n'avons pas de menace nazie à nos portes. Il n'y a pas de menace armée d'antisémites qui existe comme dans les années 30. Néanmoins il y a une conception de la société dans laquelle, même si on ne le dit pas ouvertement, l'arabe a pris la place du juif d'avant-guerre.
ENTRETIEN REALISE PAR ANNIE MENRAS
source : l'Hérault Du Jour